EPILOGUE

Deux ans plus tard.

— Devon… Je suis en train de mourir, commence-t-elle à se geindre avant de reprendre avec son ton mélodramatique. C’est vraiment la fin… J’arrive à voir une lumière blanche au loin. Si réconfortante et si aveuglante.

Appuyé contre l’embrasure de la porte, depuis plusieurs minutes, mes yeux sont rivés sur le corps pratiquement inerte de Pearl – qui plus est, allongé sur le lit avec des tonnes de couvertures par-dessus. Vu que son problème de santé s’est aggravé, elle n’a pas voulu que je m’en aille : c’est pour ça que je suis dans l’obligation de rester ici, à veiller sur ses moindres mouvements presque inexistants, et à étouffer sous l’épaisseur de ma tenue.

— C’est l’ampoule, pas le paradis, grogné-je en roulant des yeux. Le médecin a dit que c’était qu’une simple grippe à cause du froid. Alors, arrête d’exagérer.

Et pour la première fois depuis le début de l’après-midi, elle se redresse brusquement pour se tourner vers moi. Oh, c’est un miracle ! Elle vient de montrer un signe de vie !

Lorsque ses pupilles me scrutent attentivement, je redoute immédiatement sa réaction.

— Franchement, Devon ! Une combinaison de ski. Tu te fiches de moi ? s’écrie-t-elle et je me mets à rire.

— J’ai une mission importante demain, donc il est hors de question que tu me refiles tes saletés de microbes ! me défendis-je, et aussitôt, elle me fusille du regard.

— Toi, alors…. grommelle-t-elle doucement. Oh, merde. Mon nez se remet à couler ! Passe-moi le paquet de mouchoirs à côté de toi, s’te plait.

J’acquiesce positivement de la tête, et à l’aide d’une pince géante, j’attrape la boite de mouchoir afin de lui tendre en gardant un périmètre de sécurité. On n’est jamais trop prudent, pas vrai ? Son fameux regard de la mort fait son retour, de ce fait, je ne peux m’empêcher d’être amusé par son agacement. Elle veut me tuer : ça, c’est sûr.

— Ne fais pas cette tête, voyons. Tu ressembles à une constipée, lâché-je en riant. (D’après son expression faciale, elle n’est pas vraiment contente d’entendre ma remarque. Par conséquent, j’essaye de me rattraper.) Je t’aime plus que tout au monde, tu le sais ça ?

— Va te faire foutre, crache-t-elle en se mouchant brutalement avant de poser sa tête sur son oreiller.

Soudain, sans que l’on s’y attende, la sonnette retentit. Il est minuit passé : quel genre de sociopathe vaudrait venir à l’improviste dans notre baraque ? Hum… À vrai dire, j’ai une petite idée là-dessus.

Je préviens Pearl que je vais descendre, et fatiguée comme elle est, cette dernière me répond d’un léger grognement. Enfin, peu importe. J’ouvre la porte, et découvre avec stupéfaction, Shrek et Angelina Jolie, sourire aux lèvres… Nan, je déconne. Vous m’avez cru, hein ? Avouez-le !

Bref.

Au seuil de l’entrée se tiennent Klaus, Elena, Chrissy et Luke. Mais, qu’est-ce qu’ils veulent, putain ? Et là, brusquement, je leur claque la porte au nez. Tellement chaleureux comme accueil, vous ne trouvez pas ? Évidemment. Même si la résidence est parfaitement insonorisée et que la porte est plutôt colossale, je parviens à entendre les cris assourdissants de la lieutenante de police.

— DEVON ! Ouvre-moi. Toute de suite. Pacco est avec nous, et tu ne voudrais quand même pas qu’il tombe malade, pas vrai ?

Je souffle profondément, contracte ma mâchoire, et décide d’ouvrir la porte. Ensuite, je recule de plusieurs pas pour qu’ils puissent entrer, bien que leur présence ne m’enchante pas du tout. Il est tard, et je n’ai pas spécialement envie de taper la discute avec eux. Pacco saute sur moi, sous le regard terrorisé de Luke – celui-ci a une peur bleue des écureuils.

— Je peux savoir pourquoi tu es en combinaison de ski ? me demande Klaus, visiblement intrigué et émerveillé. Est-ce une nouvelle mode, ou quelque chose comme ça ?

— Non, pas du tout. C’est juste que j’veux pas terminer dans le même état que Pearl, lui dis-je simplement.

— Oh, je comprends mieux !

On se dirige dans le salon, et presque directement, des étincelles apparaissent dans leur iris. Manifestement, ils adhèrent totalement aux couleurs bleu nuit et grises des murs, ainsi qu’au choix des meubles.

— Wow. Vous avez fini de déballer vos cartons ? interroge Chrissy en admirant la décoration moderne et design.

— Presque, répondis-je.

Alors que je commence à m’amuser avec Pacco, l’officière ne tarde pas à s’intéresser sur la raison de leur venue ici.

— Où est Pearl ?

— À l’étage, première porte à droite, déclaré-je, et bien entendu, ils s’orientèrent immédiatement vers les escaliers.

Je les suis, toutefois, je suis interrompu dans mon élan. La sonnette vient – encore une fois – de résonner. Bordel, ils se sont tous donnés le rendez-vous pour me faire chier ou ça s’passe comment ? Je marmonne quelques jurons, retire ma combinaison suite à la chaleur insupportable, et ouvre la porte. Chace, Aaron, Jared et Wade sont là. Mais, pourquoi viennent-ils tous en groupe, sérieusement ?

Comme pour tout à l’heure, je claque la porte avant même qu’ils puissent entrer. Cependant, contrairement aux autres, ces derniers sont nettement plus malins puisque l’un d’eux parvient à placer son pied à temps pour la porte ne se ferme pas entièrement.

Je souffle, une énième fois, et croise mes bras contre mon torse dénudé :

— Qu’est-c’que vous foutez chez moi à c’t’heure-ci ?

— Étant donné que Pearl est gravement malade, on voulait voir si elle va bien, rétorque Jared en souriant.

— Et vérifier que tu t’occupes correctement d’elle, poursuivit Chace.

— Hé ! Qu’est-ce que tu insinues par-là ? gueulé-je en fermant la porte derrière eux.

— Moi ? Rien du tout ! Rassure-toi. Je ne suis pas en train de sous-entendre que tu es un piètre fiancé ! fit-il en levant les mains en l’air, signe de capitulation.

Rapidement, je lui donne un coup de coude et on s’oriente à l’étage – par ailleurs, je vois beaucoup trop de monde à mon gout.

Bizarrement, Elena et compagnie ne sont pas dans la chambre, mais dans le couloir. Je fronce les sourcils pour montrer mon incompréhension : par chance, cette confusion est éclaircie par les paroles de Klaus.

— Elle s’est endormie.

— On devrait tous rentrer pour qu’elle puisse se reposer, annonce Chrissy, et aussitôt, tout le monde valide sa proposition.

Même si de toute évidence, ils sont déçus de devoir partir, personne ne bronche pour rester. Et c’est mieux comme ça.

Ravi à l’idée qu’ils se cassent de là, je les raccompagne gentiment jusqu’à la porte d’entrée pour leur souhaiter un agréable retour. De la manière suivante, je suis sûr qu’aucun d’eux ne change d’avis et ne se décide à passer le reste de la nuit dans ma propre maison. À contrecœur, je tends Pacco à Elena et c’est au même moment qu’Aaron déclare, avec une certaine forme d’enthousiasme :

— On reviendra demain, avec des peluches et des ballons !

— Ouais, c’est ça, soufflé-je avant de fermer brutalement la porte.

Bon débarras !

Lorsque je m’assure que toutes les lumières sont éteintes, je monte à l’étage pour me rendre dans ma chambre – de sorte à pouvoir prendre des couvertures dans les armoires. Dès lors où j’entre dans la pièce, l’odeur évoquant le renfermé me frappe en plein fouet, et je me maudis de ne pas avoir remis ma combinaison. Doucement, je prends possession d’un drap, avec la volonté de dormir dans la chambre d’ami.

— Devon ?

— Hein, quoi ? renchéris-je en me tournant instinctivement vers Pearl. Et merde, je ne voulais pas te réveiller. Désolé.

Un épais silence envahit la pièce laissant à déduire qu’elle vient de s’endormir. Toutefois, sa voix brise ce calme :

— J’ai froid… Tellement froid.

Cela sonne presque comme un murmure tant le volume de ses paroles est bas.

Je m’avance vers elle en découvrant, malgré la noirceur de la nuit, que son front est parsemé de sueur. Elle tremble. Énormément. Oh, et puis merde. Peu importe si je rate cette mission : vu comment elle est, il est hors de question qu’elle dorme seule. Et c’est avec cette pensée que je m’enfouis sous les couvertures pour la prendre dans mes bras. Je frotte doucement les paumes de mains sur ses bras pour créer un minimum de chaleur.

— Au fait, tes parents et tes deux potes sont venus voir si tu allais bien. Et aussi, mes amis, genre Wade, Jared, Aaron et Chace.

— Vraiment ? Quand ça ? fit-elle tandis que j’embrasse le haut de son crâne.

— Ils viennent de partir à l’instant, rétorqué-je. Mais, ils reviendront demain.

Elle sourit faiblement et pose sa tête sur mon torse. C’est alors que l’on reste silencieux, avec pour seul son, les battements de nos cœurs étant plus ou moins rapides.

Du bout de ses doigts, elle effleure mon tatouage en chiffre romain situé sur ma clavicule avant de glisser jusqu’à celui se trouvant sur l’arrière de mon oreille gauche : là où est gravé son nom : PEARL.

À mon tour, je frôle doucement son tatouage permanent se tenant sur sa nuque, étant également inscrit mon prénom : DEVON. Je souris, avant de soudainement éternuer, provoquant ainsi le sursaut de Mini-Hopkins. Génial, me voilà contaminé… Et c’est là que l’on se met à éclater de rire – comme des gamins débiles et immatures, mais surtout, heureux.