Épisode 49 – Entraînement
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Je suis littéralement morte. Seigneur, je n’en peux plus ! Pourquoi est-ce que je prends des décisions aussi hâtives, sérieusement ? Pouvoir me battre. Bah, voyons ! Ma conscience n’arrête pas d’éclater de rire. Je suis faible. Et tout le monde le sait.
— Encore dix pompes, et on s’attaque aux mannequins de combats. Signale Wayne d’un ton autoritaire.
— B..Bordel, tu veux me tuer ou ça se passe comment ? Arrivé-je à dire en restant allongée à plat ventre sur un tapis de sport.
Wayne s’avance vers moi et se met accroupi. Un sourire mesquin honore son visage tandis que je grogne en remarquant qu’il se fout clairement de ma gueule. Je vais le tuer : ça, c’est sûr. Je suis en train d’agoniser, et lui, il se marre ! Saleté de Perkins. Ugh.
— Je t’avais dit que ce serait difficile. Rétorque-t-il afin de sous-entendre qu’il avait parfaitement raison depuis le début. Maudit soit-il. Tu veux qu’on arrête tout ça ?
Il est hors de question que j’abandonne maintenant ! Ça fait plus d’une semaine que ces entraînements intensifs ont commencé, et je ne suis pas près de détruire à néant tous mes efforts. Je dois devenir plus forte : quoi qu’il puisse arriver. C’est mon seul et unique but. Ainsi, les Outsiders ne pourront plus me faire de mal. Et ma vie ne sera plus en danger. Je ne veux plus me retrouver face à eux en me disant que c’est la fin, et que mes forces ne sont pas à la hauteur. Je veux prouver que je peux le faire. Croyez-moi, c’est la première fois de ma vie que je suis autant déterminée.
— Laisse-moi trente minutes de repos, et on reprend. Déclaré-je en me levant pour pouvoir le faire face.
Soudainement, ce dernier dispose ses deux mains sur les deux extrémités de mes hanches pour être apte d’approcher ma taille contre lui. Nos corps se trouvent à une distance presque inexistante tandis que je scrute chaque détail de son somptueux visage. Il me regarde avec incandescence, comme animé par un désir naissant.
— Tu n’as pas à te donner tant de mal, Early. Chuchote-t-il doucement. Son souffle chaud s’écrase sur ma joue provoquant le changement de couleur de mes pommettes désormais, légèrement empourprée. Ce n’est pas grave si tu ne n’arrive pas à te battre…
Et c’est reparti… À chaque fois, c’est le même rituel. Il va essayer de me dissuader de vouloir poursuivre ses entraînements, sous prétexte que ma santé pourrait potentiellement être aggravée. Sachez que les exercices de combats de Wayne Perkins sont pires que de la torture ! C’est pourquoi il insiste tant à ce que j’arrête.
— Si, c’est très grave ! Imagine-toi si les Outsiders viennent, et que tu n’es pas là. Qu’est-ce que je fais moi, hein ? J’ajoute avant de soupirer longuement.
— Putain, mais arrête de te soucier de ça ! Aucun de ces enfoirés ne viendra te faire chier, d’accord ? Dit-il en haussant légèrement le ton. Notre étreinte prend fin, signalant un conflit imminent. Tu as confiance en moi, oui ou non ?
— Bien sûr que j’ai confiance en toi, mais ça n’a rien à voir ! J’en ai marre de ne pas pouvoir me défendre, ce n’est pas compliqué à comprendre, merde ! Enfin bref. Je vais prendre une pause. Grogné-je avant de me diriger vers la pièce principale, mais Wayne m’en empêche en saisissant mon bras.
— D’accord, d’accord. J’ai compris… Souffle-t-il en roulant des yeux. Les entraînements continuent, mais à condition que je puisse te donner des exercices plus faciles. Tu n’es qu’une débutante, alors être coacher comme les autres gars, ça peut être dangereux.
Aussi aimant soit-il, il ne peut pas comprendre mes convictions. Je n’ai pas envie d’avoir un traitement de faveur, car je suis une fille – ou bien, que j’entretiens une relation avec lui. Je veux subir les mêmes souffrances que les membres des Night Warriors. C’est de cette manière que je deviendrais plus forte. Et plus combattante.
Car, c’est simple : je dois passer par la douleur pour réussir à me battre. Il faut seulement que je me donne les moyens d’atteindre mon but, même si pour ça : mon propre sang doit couler. C’est dans ces pensées presque masochistes que je me dirige vers la pièce centrale pour rejoindre le canapé. Willow est là, installée sur un fauteuil, face à une chaîne de dessin animé. Lorsqu’elle remarque ma présence, celle-ci se retourne immédiatement vers moi.
— Vous vous êtes disputés… à cause de moi ? Demande-t-elle timidement.
— Non ! Bien sûr que non. Répondis-je instantanément en m’asseyant sur le divan, à proximité d’elle. Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
Elle hésite quelques secondes, tandis que j’éteins la télévision.
— Je… Je sais pas. Marmonne-t-elle doucement avant de sangloter légèrement.
Mais, qu’est-ce qui lui arrive ? Je m’approche d’elle en découvrant que ses joues sont rosies, et que des larmes chaudes brouillent ses yeux verts. C’est assez inquiétant. D’autant plus qu’elle n’est pas vraiment dans un état de santé stable. Après tout, elle vient de sortir d’un coma artificiel depuis bientôt deux semaines. Si Wayne n’avait pas menacé les médecins : je pense qu’elle serait encore à l’hôpital à l’heure actuelle.
— Tu veux un verre d’eau ? Proposé-je, prise de panique. Je ne sais vraiment pas pourquoi je suggère toujours ça dans des moments critiques ! Ça reste encore un mystère non résolu.
Willow hoche négativement de la tête. Pendant ce temps, ses larmes redoublent d’abondance. Qu’est-ce que je fais ? Étant donné que je suis fille unique : m’occuper des enfants n’est pas vraiment ma spécialité. Mais alors, pas du tout ! Mon angoisse augmente en flèche. Il ne faut pas que j’agisse en étant paniquée. Avec tout ce qui s’est passé, il vaudrait mieux que je me calme.
— Tout va bien Willow, ne pleure pas. Dis-je afin de la rassurer, mais en vain.
— Je ne veux pas que tu partes comme maman… Sanglote-t-elle à voix basse pour que je sois la seule à entendre. Sinon, Wayne sera triste. Et je ne veux pas qu’il soit triste.
Mes membres anesthésies, tant ses mots me bouleversent. Il est clair que Willow se soucie véritablement de son frère. Je la regarde attentivement en souriant faiblement. Ses paroles sont bienveillantes, et vu son âge, c’est si touchant. J’aurais tellement aimé avoir une petite sœur comme elle : douce et attentionnée. Je comprends mieux la haine que Wayne éprouvait à l’égard de The Wanted.
— Ne t’inquiète pas pour ça. Je vais prendre soin de lui, comme je te l’ai promis… Tu t’en souviens ? Déclaré-je en lui gratifiant mon plus beau sourire, et elle acquiesce vigoureusement de la tête.
— Merci, Early.
Et là, Wayne débarque dans la pièce pour tout gâcher. Génial… notez le sarcasme. J’émis un sursaut de surprise, suivie de près de Willow. Pourquoi faut-il qu’il arrive dans les pires moments ? Ma vision est légèrement floue à cause des larmes qui menacent de jaillir.
— Dépêche-toi, on doit récupérer ton père à l’hosto !
Oh, merde ! J’avais complètement oublié. En effet, comme vous pouvez le constater, le jour J est arrivé. Les soins médicaux de mon père s’achèvent enfin. Il est entièrement guéri, du moins, presque. Malgré les efforts des médecins qui l’ont suivi pendant près de deux mois, mon père garde tout de même des séquelles de ses agressions. Donc, il ne pourra pas reprendre ses fonctions de garagistes. De ce fait, je vais le remplacer étant donné que je suis plutôt expérimentée en ce qui concerne la mécanique, même si je n’ai pas vraiment l’allure d’une mécano. Eh oui, les apparences sont parfois trompeuses ! Alors que je me dirige vers la salle de bains, Wayne prend Willow dans ses bras.
— Euuh… Pourquoi elle est en train de chialer ? Demande-t-il en fronçant les sourcils.
— C’est compliqué. J’ajoute en roulant intentionnellement des yeux.
— Attends. Toi aussi t’as pleuré ! Tes yeux brillent. Affirme Wayne en me scrutant minutieusement. Comment ça s’fait que dès que je vous laisse toutes les deux, y’en a toujours une qui pleurniche ?
Même s’il est difficile de l’admettre, Wayne a raison. Lorsque j’entreprends une discussion avec Willow, ça termine constamment de la même manière. Mais, bon. C’est comme ça. Peut-être qu’un jour, Willow arrêtera de lister les mauvais côtés de la vie. Il faut savoir que son enfance n’est pas très joyeuse : ce qui suscite des signes de tristesse de ma part. Sa mère est morte, son père est en prison, et son frère est tout le temps en mission – bien que pour l’instant, sa principale occupation est de s’assurer que je ne meure pas bêtement. Elle ne vit pas dans le cadre familial à proprement parler.
— C’est la vie, écoute. Fis-je avant d’ouvrir la porte de la salle de bains. Je vais prendre une douche, et j’arrive !
Aussitôt dit, aussitôt fait. Je me lave rapidement, dans le but d’éliminer toutes les particules de sueurs s’étant déposées sur mon corps lorsque de l’entrainement, et me vêtis simplement. Un jean noir, et un pull rouge bordeaux, et le tour est joué ! Par la suite, je me sèche les cheveux pour pouvoir arranger un minimum cette crinière. En fin de compte, j’abandonne. C’est avec force et conviction que je sors de la salle de bains, et découvris que Wayne est en train de faire les lacets de Willow. Ces deux-là sont déjà habillés. Willow est vêtue d’une jolie tenue de garçon manqué, et Wayne est muni de son éternelle veste en cuir. Autant vous dire qu’ils sont parfaitement accordés, niveau style vestimentaire.
— On y va ? Demandé-je avec enthousiasme.
— Ouais, et c’est moi qui conduis. Dit-il en se levant pour s’orienter vers l’entrée.
Je n’entreprends aucune parole pour témoigner mon opposition, et lance mes clefs à Wayne. Dans tous les cas, ça m’arrange de ne pas conduire. Avec le sport que je viens d’endurer, je préfère user le moins d’énergie possible. Surtout lorsque je sais que les entraînements continueront, ce soir, mais cette fois-ci, avec tous les Night Warriors.
On s’installe dans le véhicule : Willow est dans le côté passager, Wayne est dans la place du conducteur, et je me tiens sur le siège du copilote. Ce dernier allume le moteur, afin de pouvoir s’aventurer dans les routes d’UnderGlade, étant principalement entourée par la verdure. Effectivement, nous nous trouvons dans un coin paumé. Ainsi, les Outsiders ne peuvent pas se douter de l’existence de ce hangar.
Comme d’habitude, la route s’étend à perte de vue. Le vent qui s’abat sur mon visage me rappelle que je ne suis pas sortie depuis plus d’une semaine. Je me demande si Jayce, Evan, Ian, Phoenix et Heather vont bien. Je n’ai pas eu de nouvelle d’eux depuis l’annonce de ma véritable identité à Wayne. Malgré tout, je discute régulièrement avec Levi en message, celle-ci m’affirme que les gars sont en bonne santé et qu’Heather n’est plus en danger. Bien que cela me rassure, j’aurais préféré voir cela de mes propres yeux.
Une main se pose doucement sur ma cuisse. Instinctivement, je me tourne pour voir qu’il s’agit de Wayne – ça ne peut qu’être que lui.
— T’es sûr que ça va ? Interroge-t-il, manifestement intrigué par mon comportement.
— Ouais, je vais bien. Contrairement à la dernière fois, ces mots-là ne sont pas un mensonge. C’est juste que je me demandais comment vont mes amis, ça fait assez longtemps que je ne leur ai pas montré un signe de vie. Rié-je doucement.
— Oh… Marmonne-t-il en se concentrant davantage sur la route.
Sa réaction m’était prévisible. Pourquoi ? C’est simple. Wayne ne souhaite pas que je retourne à l’école, tant que les Outsiders rôdent dans les rues d’UnderGlade. Il commence sérieusement à m’énerver avec son attitude surprotectrice. Ce n’est pas à lui de décider de mes choix. Je veux être dépendante de moi-même. Alors, c’est avec la volonté de l’emmerder que je dis :
— J’irais en cours demain.
— QUOI ?! S’écrie-t-il en se tournant instantanément vers moi. Par pur réflexe, je regarde en direction vers Willow. Elle est encore endormie, ouf.
— Shht ! Tu vas la réveiller. Grogné-je avant d’empoigner son menton pour qu’il se focalise sur la route. Je n’ai aucune envie d’avoir un accident en fauchant quelqu’un. Encore une fois.
— Mais, t’es complètement folle. Les Outsiders ont des connaissances dans ce lycée, donc ils vont savoir que tu seras là-bas. Je ne pourrais pas te protéger, comme avant, puisque désormais, tu es leur principale cible à abattre… Il n’eut le temps de continuer que je lui coupe la parole.
— Tu rigoles là ? Comme avant ? Je ne suis pas conne, Wayne. Ignorer une personne, ça ne s’appelle pas protéger ! C’est du foutage de gueule. Je me fais violence de pas hausser le ton, pour éviter que Willow ne se réveille. Tu me traitais comme si j’étais une inconnue à tes yeux, merde !
Il ne répond pas. C’est ce dont je m’en doutais… Un pincement au cœur se fit ressentir, ugh. Un silence s’installe tandis que le chemin se passe d’une lenteur époustouflante. Lorsque l’on s’arrête dans le parking de l’hôpital, Willow se précipite à l’extérieur pour admirer l’arc-en-ciel qui s’était dessiné, juste après une légère averse. Alors que je m’apprête à sortir à mon tour, Wayne m’interrompt en me prenant le bras. C’est la deuxième fois en une matinée. Un record, wow.
— Pendant tout ce temps… tu croyais ça ? Demande-t-il avec hésitation.
— Ouais. Dis-je froidement.
Il souffle bruyamment en retirant les clefs de la voiture. Je le fixe, attendant une explication imminente. Wayne hésite quelques secondes avant de prendre la parole.
— Je t’ai évité uniquement pour que personne ne se doute que nous avons un lien… D’ailleurs, Tyler m’a surpris plus d’une fois en flagrant délit lorsque je te regardais. Avoue-t-il presque timidement.
Et là, je me souviens d’un détail. À la piscine, lorsque Tyler a dit qu’une personne ne serait pas d’accord avec le fait que je me baigne avec Terence : il s’agissait de Wayne ! Tyler aurait tout de même pu être plus concret dans ses propos ! Ma colère naissante à l’égard de Wayne s’estompe subitement. Je penche ma tête, et lorsque nos lèvres se frôlent légèrement, des coups sur le capot de voiture retentissent. C’est Willow. Celle-ci trouve vraisemblablement notre marque d’affection comme étant fanatique et répugnante.
— Beurk ! C’est dégoûtant. Je ris à sa remarque, et sors de la voiture.
À pas assurée, on se rend dans l’enceinte de l’hôpital. Une infirmière nous accueille chaleureusement avant de nous désigner la salle d’attente dans lequel se tient mon père. Je la remercie brièvement, et fais irruption dans la pièce. Et c’est là que je le vois. Assis sur un siège, le regard rivé sur la télévision en face de lui.
— PAPA ! Hurlé-je en me dirigeant vers lui.
Mon paternel se lève, et remarque presque directement Wayne et Willow. Il s’immobilise, tout en demeurant silencieux. Je fronce les sourcils : il est plus intéressé par un inconnu que par sa propre fille. Génial, de mieux en mieux.
— Wayne Perkins. C’est donc toi, le fils de William et Whitney. Dit mon père en faisant preuve d’un sérieux renversant.
Ça fait beaucoup de W… Ok, je me tais.
— Ouais, c’est moi. Annonce Wayne avec lassitude.
— Je vois… Hum, c’est étonnant de vous voir ici. Affirme-t-il avec hésitation, avant de se tourner vers moi. Bon, Early. Comme tu l’as voulu, on s’en va d’ici ce soir ! J’ai négocié notre ancien appartement avec le propriétaire, avant-hier. Mes yeux s’écarquillent brusquement. Nous retournons à Bloomsworth !