The Wanted

Épisode 38 – Ice Cream


Il m’attire contre mon gré à l’extérieure de la demeure de Terence tandis que je n’entreprends aucun signe d’opposition, étant donné la rapidité des événements : je n’ai pas réalisé ses gestes. Lorsque mes pieds sont en contact avec la verdure du jardin, je décide de me détacher de son emprise. La froideur de sa main contre mon poignet provoque des milliers de frissons en moi. J’oublie même, pendant une fraction, le vent glacial qui vient de s’abattre sur nous. Je tremble. Et le fait que je suis trempée ne fait qu’empirer les choses.

— Mais, où est-ce que tu vas ?! Je déclare – un peu trop fort, puisque quelques personnes se tournent vers nous.

— Tu verras. Dit-il avant d’attraper à nouveau mon poignet afin de s’orienter en direction du regroupement de motos.

J’en déduis que nous allons partir d’ici. Et cette hypothèse ne m’enchante pas vraiment.

— Eh ! Hors de question que je monte sur ça, tu rêves mec. Dis-je en faisant référence à la moto se tenant devant nous.

Il est assez déconseillé de s’asseoir sur ce genre de mode de transport lorsque l’on est en robe : d’une part, car ceci est inconfortable et d’autre part, car il suffit d’une simple brise de vent pour que tout parte en l’air. Enfin, vous voyez ce que je veux dire. J’aurais préféré porter mon éternelle paire de jean, tout serait si simple. Maudite soit Levi qui m’a convaincu de porter cet accoutrement.

— Arrête de me faire chier, Early ! Assis-toi dessus et tais-toi, ce n’est pas compliqué, non ?

Son ton est autoritaire et stricte. Habituellement, je déteste que l’on me donne des ordres. C’est pourquoi je suis actuellement en train de le dévisager. Croyez-moi, si un regard pouvait tuer : il serait déjà mort. Wayne monte sur sa moto, tout en faisant grogner le moteur.

 Tu viens ? Demande-t-il en reculant sa moto pour arriver à ma hauteur.

Aucune réponse de ma part ne retentit. Je dois me taire, non ? Inutile de répondre… Tellement ingénieux, Early ! Cela ne ferait que d’amplifier son agacement. En fin de compte, non. Ce n’est pas si ingénieux que ça en à l’air.

 Hey, ça va ? Il poursuit, visiblement intrigué par mon immobilité.

Je baisse les yeux vers le sol, toujours silencieuse. J’entends un soupir suivi d’un bruit de pas, laissant à conclure qu’il s’avance dangereusement vers moi. À mon plus grand étonnement, il lève mon menton du bout des doigts, ainsi s’arrête mes yeux sur les siens. Que veut-il, au juste ?

— Tu m’as dit de me taire, crétin. Je crache, d’un ton nonchalant.

— Et, depuis quand tu m’écoutes ? Il semble amusé par la situation. Sombre abruti ! Donc, si je comprends bien, j’ai le droit de défier ses ordres et de me barrer d’ici, non ? Dans ma tête, ceci est tout à fait plausible.

— Bon sur ce, je m’en vais !

Alors que je m’apprête à rejoindre la maison de Terence pour retrouver Levi, un bras m’interrompt : celui de Wayne. Étrangement, je ne suis pas surprise de son geste. À vrai dire, je m’y attendais. Il est manifestement déterminé à m’amener quelque part. Et qui sait, il va peut-être m’attirer dans un lieu glauque et me torturer jusqu’à obtenir des informations compromettantes sur The Wanted ? Oh, god.

— Reste ici, toi ! Dit-il avec insistance. Tu as si peur que ça de te trouver seule avec moi ?

Toutes personnes approximativement normales devraient être effrayer de se trouver face à lui. Après tout, je suis pratiquement certaine qu’il détient un revolver dans sa veste. S’il le voulait, il pourrait me tuer : là, maintenant. Heureusement pour moi qu’il croit que je connais l’identité de The Wanted sinon, à l’heure actuelle, je serais probablement morte à cause de mon tempérament agaçant et chiant. Oui, je l’avoue. Je suis chiante. Mais, bon. Ce n’est pas une révélation, non plus.

— Pour l’énième fois, tu ne me fais pas peur ! Sérieusement, tu m’énerves avec ça. Ce n’est pas parce que tu es le leader d’un gang que je dois être épouvanté par toi. Dis-je d’un ton agacé.

Et ceci est la stricte vérité. Lorsqu’il pense que les gens ont peur de lui, il parait tellement hautain. Je déteste ça. C’est pourquoi je préfère accentuer le fait qu’il est un garçon ordinaire avec quelques fréquentations douteuses, certes, mais il reste quelqu’un de banal – détenant une apparence physique injustement avantageuse.

— Je ne te crois pas. Avoue que tu as peur de moi à la place de faire semblant d’être téméraire.

C’est incontestablement de la provocation ! Il ose entraîner ma colère alors que nous venons de nous disputer quelques minutes plus tôt. Connard va. C’est vraiment du gâchis. Tant de beauté gaspillerSon ego surdimensionné me met à bout de nerfs. Mes poings vont littéralement exploser à force de les serrer. Mes jointures deviennent pâles.

— Mais, ferme-là ! Cette réplique est sortie naturellement de ma bouche. Oups.

Je le vois contracter sa mâchoire à l’entente de mes propos. Une atmosphère tendue s’immisce entre nous pendant une fraction de seconde, je décide ce silence pouvant potentiellement rendre cette situation gênante.

— Bref. Je m’en fiche que tu me croies ou non, mais sache que tu ne m’effraies pas. Genre, pas du tout. J’affirme en soupirant légèrement. Au début, oui. Mais, ça a changé. Pourquoi tu ne me crois pas ?

— Tout le monde a peur de moi. Ajoute-t-il, d’une voix suave. C’est tout.

Je le regarde attentivement.

 À ton avis, si tu me faisais peur… Est-ce que je te laisserai dormir pendant près d’une semaine, chez moi ? Ma remarque provoque un effet immédiat de sa part.

Il écarquille les yeux, et hésite quelques secondes.

— Bah… C’est que. Tu n’avais pas vraiment le choix, en fait. Peut-être que justement, tu as accepté que je vienne pour ne pas causer mon mécontentement.

Merde ! Touché. Coulé. Son hypothèse est juste. Je n’avais pas décliné son offre de venir dans ma demeure pour la simple et bonne raison que je ne voulais pas qu’il veuille se venger ou, s’énerver. À ce moment-là, je ne le connaissais que très peu. Désormais, j’ai appris à vivre avec lui quitte à raconter quelques anecdotes sur ma vie peu trépidante. Malgré cette cohabitation agitée qui était plutôt désastreuse, grâce à ça, je sais certains détails sur lui tels que : le fait que son père, étant actuellement en prison, était l’ancien leader des Night Warriors avant qu’il ne prenne le relais ou bien, que son plat favori est la pizza. Je sais également son passe-temps favori correspondant à la boxe, son talent caché pour la cuisine, sa couleur préférée, le but de la création de son gang, quelques-unes de ses missions d’une dangerosité inégalée, son film préféré, une partie de son enfance, et que sa mère est morte à ses quinze ans. Je connais beaucoup de choses sur lui, plus que je ne le devrais.

 C’était au début ça. Me défendis-je. Et toi, qu’est-ce que t’auras fait à ma place ? Un type que tu connais à peine, qui t’a déjà menacé auparavant, vient débarquer chez toi à l’improviste. Et va savoir comment, il sait où tu habites !

— Personne n’oserait faire ça à moi. Il rétorque.

— À part si le gars en question est suicidaire, on ne sait jamais. Tout peut arriver !

Il souffle bruyamment.

— Bon, tu viens ? Wayne change soudainement de sujet en désignant sa moto.

— Hum… nan.

Bien que je sois parfaitement consciente que cette réponse va certainement l’énerver, mes paroles avaient été comme instantanées. Mes cordes vocales avaient vibré, sans que je me rende compte. Désormais, un second silence envahit l’atmosphère suite à mes propos qui n’avaient manifestement pas lieu d’être. Son regard foudroyant détaille mon visage tandis que j’hésite de briser cette insonorité devenant étrangement embarrassante. Devrais-je accepter de le suivre ? Lui. Wayne Perkins ? Je pense que ceci est l’idée la plus stupide de tous les temps. Après tout, la destination sera peut-être la mort. Qui sait ? Il m’est impossible de prédire le destin, ou bien les intentions de Wayne. Il est beaucoup trop imprévisible, ugh. J’ai beau essayer de me convaincre qu’il n’est pas quelqu’un de fréquentable, une part de moi souhaite apprendre davantage à son sujet. Cela peut paraître insensé pour certains, mais j’aime être à ses côtés. C’est un sentiment inexpliqué, presque invraisemblable.

D’habitude, les personnes ayant un état mental correct devraient se sentir menacées lorsqu’ils se trouvent à proximité d’un meurtrier… pourtant, ce n’est pas le cas avec moi. Même si Wayne est un connard, au tempérament exécrable. Je ne peux pas m’empêcher d’éprouver de profonds sentiments affectifs à son insu. Au début, je pensais que ceci n’était que de l’attirance physique, mais à un moment donné, lorsque j’ai appris à cohabiter avec lui : tout à changer.

À chaque fois, je nie les sensations qu’il me fait ressentir lorsqu’il pose ses yeux sur moi, ou bien, lorsque sa peau est en contact avec la mienne. C’est comme une décharge électrique. Brutale et surprenant. Mais, la conception d’un quelconque sentiment amoureux à son égard m’est inimaginable. Je ne peux pas : et je ne cesserai de le répéter. Être tuée par une personne que l’on apprécie est la pire chose qu’il puisse arriver. Je ne dois pas tomber pour lui. Car, je n’aime pas Wayne Perkins. Cette phrase me tourmente l’esprit, pour me faire prendre conscience, d’une manière ou d’une autre, que ceci sonne totalement faux. Je suis dans la dénégation. Bordel. Mon cœur tambourine violemment contre ma cage thoracique lorsque ses magnifiques yeux verts me fixent intensément. Pourquoi fait-il ça ? Pourquoi veut-il me faire souffrir en jouant avec mes putains d’émotions ? Pourquoi me regarde-t-il ainsi ? Pourquoi ? Un nombre incalculable de questions trotte dans ma tête. Saleté de Wayne, pour me m’être dans tous mes états ! Le pire dans tout ça, c’est qu’il ne s’en rend même pas compte. Il me fait endurer ça de manière involontaire…

Si seulement, il savait à quel point il monopolise mes pensées ces derniers temps. Je suis sûr que cela flatterait son côté arrogant.

 Early ?

Sa voix suave me fit immédiatement sortir de mes pensées. Une chance que je suis la seule à les entendre. Il ne se doute pas du tout de ce qui se trame dans mon petit cerveau.

 Je viens à condition que tu me dises la véritable raison pour laquelle tu es venue chez moi, pendant ces quatre semaines. Je sais très bien que ce n’est pas pour simplement assurer ma sécurité. Rétorqué-je en m’avançant vers son véhicule motorisé.

— Ça marche !

Par la suite, Wayne monte sur la moto suivie de moi-même. Je place derrière lui, tout en prenant soin à ce que ma robe puisse cacher mes cuisses à demi-dénudés. Pendant ce temps, le moteur grogne créant ainsi des vibrations. C’est perturbant. Je ne me suis jamais déplacé sur une moto, auparavant. C’est encore nouveau, pour moi.

— Accroche-toi. Affirme Wayne avec un sourire en coin.

J’hésite quelques secondes. Étant donné que je n’ai pas vraiment l’embarras du choix… J’entoure mes bras autour de son buste afin d’éviter de tomber à la renverse lorsque le véhicule démarrera. La seconde qui a suivi, nous étions désormais sur la route. Elle est complètement déserte. Personne n’est là : même pas un chat. Les rues sont sinistres, et assez glauques : à cette heure si tardive. Le vent s’abat violemment sur nous : et la vitesse de la moto commence sérieusement à augmenter. Par peur de tomber, je me blottis contre son dos. Ce geste est dans l’unique but de ne pas mourir, hein. Je ne tente aucune approche, ou quoi que ce soit ! Mon pouls s’affole, tandis que je tente d’oublier la température glaciale de l’atmosphère. Je suis littéralement frigorifiée !

La route s’étend à perte de vue. J’ignore notre destination, et honnêtement, ce n’est pas ça qui m’intrigue. Mais, plutôt, ce que nous allons faire. Va-t-il me tuer ? Toutes les hypothèses sont plausibles !

 Ne me dis pas que tu vas m’emmener au beau milieu d’une forêt pour me torturer, et me découper en morceau avant de m’enterrer, hein ? Dis-je en posant ma tête sur son épaule.

Des rafales de vent s’écrasent sur mon visage.

 Merde, comment t’as su ? Déclare-t-il d’un ton amusé.

 Très drôle, Perkins. Je souffle profondément. Où est-ce qu’on va ?

— Tu le sauras dans quelques minutes.

Étant de nature impatiente, ce type de remarque ne fait que d’attiser davantage ma curiosité. Mais malgré tout, je me fais violence de me taire. C’est mieux ainsi. Après quelques instants, nous nous garons devant un magasin de glace. Nan, sérieux ? Je m’attendais à tout, sauf à ça. Je descendis de la moto en prenant soin de lisser ma robe, qui plus est, toujours autant mouillée. J’analyse davantage l’endroit de destination et constate que les lumières sont éteintes, et qu’aucune voiture ne figure dans le parking.

 C’est fermé. Remarqué-je en me tournant vers Wayne.

 Je sais, suis moi.

Je me contente d’hausser les épaules et d’acquiescer. Autant le suivre jusqu’au bout, puisque de toute manière, je ne peux plus faire marcher arrière. En effet, j’ignore la localisation exacte de cet endroit. Je m’avance vers lui, celui-ci se dirige vers l’arrière du magasin. D’un geste brusque, il ouvre une fenêtre et entre par effraction à l’intérieur de façon illégale.

 Mais, t’es complètement malade ! Et, si la police débarque, qu’est-ce qu’on fait ?

Il éclate de rire face à ma remarque.

— T’as déjà vu des flics à UnderGlade, toi ?

Par contre, là, il marque un point. C’est vrai que je n’en ai jamais aperçu depuis mon emménagement ici. Étrange… Wayne me tend la main afin que je puisse avoir un appui pour pouvoir passer par la fenêtre. En moins d’une minute, nous étions dorénavant dans le magasin de glace.

— Mais, je pensais qu’il y’avait un poste de police près du lycée. Je fronce les sourcils, légèrement confuse.

— Ouais, sauf qu’il est abandonné à cause d’une explosion, depuis près de deux ans. Les services fédéraux ont beaucoup trop peur d’envoyer de nouveaux employés à UnderGlace. Il rit de plus belle.

— Pourquoi être effrayé de cette ville ? J’interroge tandis que l’on se dirige dans une chambre froide remplie de pot de glace.

— Nous sommes plus de deux mille meurtriers pour quarante mille habitants, les assassinats se comptent par centaine chaque année. Alors à force d’accumulé les affaires non résolues, ils abandonnent UnderGlade pour s’occuper de Ravenstein, ou quelque chose comme ça. Explique-t-il en saisissant un pot de glace au chocolat : je fis de même, mais avec un parfum vanille.

Les meurtres semblent si… banals pour lui. Je n’arrive toujours pas à croire qu’il ait pu retirer la vie à une personne. Comment a-t-il pu faire ça ? Provoquer le dernier souffle d’un individu : ça devrait être traumatisant. Le simple fait de voir un corps inerte m’épouvante, alors tuer quelqu’un… je ne peux même pas imaginer. Cuillère en main, je prends une bouchée de la crème glacée. Une question me trotte l’esprit. Je suis hésitante.

 Qu’est-ce que tu ressens après avoir tué quelqu’un, au juste ? De la fierté, du dégoût ? Est-ce que tu penses à la famille de la victime, au moins ?

Bon, d’accord. Je n’ai pas posé qu’une seule question… Mais, bon. Peu importe. Je tenais réellement à obtenir des réponses. Je le regarde attentivement. D’après son expression faciale, il est surpris par mes propos étant du moins, inattendus. Il attend quelques instants avant de prendre la parole.

— Je ne ressens strictement rien. Aucune pitié, aucune tristesse, et encore moins de la joie. Ça m’est égal, en fait. Les personnes que je tue méritent de mourir. Alors, leur mort est plutôt une bonne nouvelle pour leur famille. Ce sont toutes des pourritures, mise à part quelque exceptionJ’entame à nouveau une cuillerée de glace suite à sa réponse.

Comment ça, des exceptions ?

 Tu veux dire que tu as déjà assassiné des innocents ? Mes mots s’échappent brusquement de ma bouche, ce fut instantané. Encore une fois.

— Ouais. Bref, changeons de sujet.

 D’accord… Maintenant, explique-moi pourquoi tu tiens tant à dormir chez moi. Si tu dis que c’est pour me protéger de Brendon, j’t’étrangle, c’est clair ? Annoncé-je, sûr de moi.

Il est désormais en pleine réflexion. C’est alors qu’il acquiesce positivement.

 Tout a commencé lorsqu’une fille criait dans les ruelles du deuxième arrondissement d’UnderGlade, deux mois plus tôt.