Épisode 35 – Bataille d’oreiller
À l’entente de ma question, son visage se crispe immédiatement. Il semble hésitant aux premiers abords. J’appréhende sa réponse, quitte à inventer le pire des scénarios dans ma tête. Un sentiment d’angoisse me submerge lorsqu’il recule d’un pas. Nerveusement, il passe sa main derrière la nuque et éclaircit sa voix.
— Si je te répondais que non, je te mentirais… Il paraît réticent.
Donc, concrètement, il a déjà retiré la vie à une personne. Et honnêtement, une partie de moi s’attendait à une telle réponse. Après tout, Wayne se trouve être le leader d’un gang de fauteurs de trouble. Pourtant, j’aurai espéré ne serait-ce qu’un peu, que sa réponse soit négatif. Je reste figée, ne sachant pas comment réagir. Dois-je être surprise ? À quoi bon, je m’y en doutais. Dois-je être heureuse ? Si j’étais folle, probablement que oui. Dois-je être terrifiée ? Normalement, oui. Mais, je ne décèle aucun sentiment de crainte en moi. C’est tellement étrange. À force de le côtoyer, il ne m’inspire plus de la peur mais plutôt, de la confusion. Je voudrais connaître le pourquoi du comment : la raison pour laquelle il fait cela. Il doit bien y avoir motif. Comment est-il devenu cet être si avide de cruauté, avec un sang-froid et un cœur glacé ? Cela m’intrigue, plus que je ne le devrais. Il est si jeune. Comment peut-il être autant redouté et respecté ?
Tant de questions, mais si peu de réponse.
— Tu as peur de moi, maintenant ? Sa voix est à peine audible.
Oh. Je ne m’attendais pas à ça.
— Non. Je n’ai pas peur de toi, si ça peut te rassurer. Et ceci est la stricte vérité. Je ris légèrement, espérant apaiser l’atmosphère.
C’est à cet instant que je parviens à discerner une étincelle dans ses pupilles. Malgré tous ces actes qui le font paraître comme étant un être abominable et exécrable, je ne peux pas m’empêcher de trouver qu’il n’est pas si détestable. J’aime être à ses côtés. Un sentiment indescriptible m’envahit lorsqu’il est là, près de moi. C’est tellement… curieux. Je sors de mes pensées, afin de le regarder. Je ne pourrais jamais m’en lasser, sa beauté est addictive. À un moment donné, un sourire narquois s’étend désormais sur ses fines lèvres. Ugh, oh. C’est mauvais signe !
Quand tout à coup, il me soulève tel un sac à patates. Surprise, un cri de stupeur s’échappe de mes lèvres tandis que ma couverture tombe de mes mains. Je ne tiens plus qu’un simple oreiller. Et là, Wayne me dépose sur le lit, tout en riant face à mes battements de pieds. Il s’approche de moi, alors que je suis actuellement sur le matelas. Ses mains se placent sur les deux extrémités de ma tête, pendant ce temps, mon pouls est à une vitesse certainement malsaine.
— Alors, comme ça, tu n’as pas peur de moi… Dit-il d’un ton amusé.
Il se rapproche davantage de moi, et sur un coup de tête, je décide de lui balancer mon oreiller en pleine tronche. À mon plus grand étonnement, je n’ai pas raté mon lancer. En voyant sa réaction, je me retrouve dans un fou rire incessant. C’était mémorable, je vous l’assure ! Afin de contre-attaquer ainsi que de regagner sa fierté, il ne tarde pas à me balancer un polochon sur la tête. Étant de nature rancunière, je riposte et saute hors du lit. Nous étions égalables à des enfants immatures, et pourtant, pour rien au monde je ne voudrais changer cela. Au fond, il n’est pas si abominable. Et maintenant, j’en suis persuadée. Décidément, Wayne Perkins reste un mystère qui ne cherche qu’à être résolu. Un jour, peut-être, j’arriverai à répondre à cette question si symbolique : qui est réellement Wayne Perkins ?
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Saleté de téléphone ! Je tripote l’objet électronique en ignorant comment pouvoir installer des musiques. Argh. J’abandonne. Décidément, la nouvelle technologie et moi, ça fait deux. Mais, bon. Je n’ai pas à me plaindre pour autant, ce nouveau téléphone portable m’a été gentiment offert par Levi, alors il est hors de question que je le casse ou bien, que je le fasse malencontreusement tomber dans les toilettes. Bref. Puisque je viens de finir mon plat de riz, je décide de demander tour à tour le numéro de Jayce, Phoenix, Ian, Evan, Tyler et Levi : pour la première fois depuis le début de l’année. Bien que mon ancien portable fonctionnait parfaitement bien, Levi eut l’ingénieuse remarque que si Wayne devait – par tout hasard – me demander mon numéro, celui-ci allait instinctivement découvrir ma véritable identité étant donné qu’il connait le numéro de The Wanted. Et cela pourrait m’attirer de très gros ennuis que je ne peux pas prendre le risque de courir.
— Au fait, Early. Ton père ne serait pas à l’hosto, par hasard ? Interroge Jayce en buvant une gorgée d’eau. J’acquiesce.
— Oui, depuis vingt-cinq jours. Je réponds presque instantanément. Bon, j’avoue. J’ai compté les jours, est-ce flippant ? Puisque je doute que quelqu’un réponde, je le fais moi-même : oui, tu es carrément flippante, Early. Prochainement : l’hôpital psychiatre. Génial… notez le sarcasme.
Et là, Jayce commençait à entamer un sujet sur les soins médicaux. Pour être franche, je n’en avais strictement rien à faire. Ce n’était pas vraiment un thème qui me passionne tant que ça, à vrai dire. Je suis plutôt intéressée par la mécanique, les voitures de course, et les pizzas. Par ailleurs, mes goûts s’associent parfaitement à mon style vestimentaire assez garçon manqué. Désormais, je n’écoute plus du tout Jayce, bien trop préoccupée à m’intéresser à Wayne et son groupe d’amis venant tout juste de débarquer. Lorsque Levi réalise mon manque d’attention, elle me sourit en sachant pertinemment que les Night Warriors sont là. Cela sonne comme une évidence, puisqu’elle ne prend même pas le temps de se retourner. Pendant ce temps, je pouvais remarquer du coin de l’œil que Tyler est en train de la regarder. Ses yeux sont posés sur elle, laissant à croire qu’elle était la seule personne sur cette table. C’est tellement mignon.
J’ignore pourquoi, mais lorsque Ashlyn – une jolie rousse, au tempérament hautain – se précipite vers Wayne pour l’embrasser avec fougue, un pincement au cœur se fit ressentir. Je détourne immédiatement mon regard, gênée d’assister à ça. Levi, ayant remarqué mon mal-être, décide de se retourner pour voir la scène. J’inspire légèrement. Et dire que je pensais avoir développé des sentiments affectifs pour Wayne, je me sens instantanément idiote et niais. Tout le monde pourrait confirmer que Wayne Perkins n’est pas un type fréquentable. Pendant un instant… rien qu’un instant : je pensais qu’ils avaient tort.
Je me sens tellement stupide.