CHAPITRE 35

J’étouffe, putain. Mes mains sont moites, ma gorge est sèche, et mon ventre commence à se nouer : voilà les effets secondaires du stress. Je hais ça.

Un sentiment de peur, de crainte et d’angoisse me gagne tandis que je me mets à parcourir le couloir afin de diminuer ma nervosité.

— Tu veux boire de l’eau, Devon ? me propose Elena en me tendant un gobelet rempli d’un liquide transparent.

Rapidement, je saisis le verre en plastique de ses mains, incline ma tête en arrière et avale d’une traite ma boisson. L’eau fraîche hydrate immédiatement ma gorge, et aussitôt, je souffle de satisfaction. Wow. Je ne savais pas que j’avais autant soif !

Elena me regarde avec les yeux grands ouverts, alors que Pearl se contente simplement de faire ses lacets – bien entendu, elle est en train de galérer.

— Bordel, c’est long ! craché-je, en m’asseyant sur le banc, entre Klaus et Pearl. Ça fait dix minutes qu’on attend comme des cons… !

— Arrête de te plaindre, grommelle la lieutenante Hopkins.

— Jamais !

Elle roule des yeux, sous ma détermination sans faille, et décide de s’installer à côté de son mari.

Cependant, en faisant ça, on est obligés de se serrer comme des sardines.

Or, je ne supporte pas ça. Il me faut de l’espace, merde !

Je suis Devon Maxwell. Combien de fois dois-je le rappeler ? À force, ça en devient répétitif. Vous ne trouvez pas ? Enfin, bon. Peu importe. Quoiqu’il en soit, dès lors où Elena cherche à s’imposer dans le banc : je me lève aussitôt. Ça me fait chier d’être debout, mais ça n’est pas un problème majeur. À cet instant, il m’est fortement conseillé de songer à ce foutu procès et au témoignage que je dois dire. Et surtout, à mon ex-assassin.

À cause de lui, je n’ai pas réussi à trouver le sommeil. À chaque fois que j’essayais de tomber dans les bras de Morphée, une question trottait continuellement dans ma tête : qui est-il ? Ensuite, je me demandais si je le connais, ou bien si c’était un inconnu. Puis, pourquoi il faisait ça. Et après, ça s’est empiré… J’ai passé ma nuit à me poser des questions stupides, mais importantes : et clairement, ça m’a bouffé toute mon énergie.

Par chance, puisque je suis naturellement parfait, cette fatigue n’a aucun impact sur ma beauté.

Je détiens toujours cet éclat de splendeur. Et étant donné que je suis vêtu d’un costard noir et blanc, à présent, vous pouvez ajouter « élégant » dans ma longue liste de qualités !

Oui, comme vous pouvez le constater, aujourd’hui, je suis d’humeur narcissique. Ça faisait si longtemps que ça ne m’était pas arrivé. J’ai eu presque peur que la modestie de Pearl m’ait atteint.

Non, mais vous imaginez si, moi, le plus grand Bad Boy de tous les temps, est devenu humble ?

Miséricorde ! Quel malheur ! Je ne peux même pas envisager cette possibilité, tant elle me semble absurde. Ça n’aurait aucun sens, pas vrai ?

— Je pense que la séance va commencer dans cinq minutes, informe l’officière Hopkins en regardant brièvement sa montre.

Ah, je n’aime pas attendre ! Je murmure des injures, croise mes bras contre mon torse, et m’adosse nonchalamment contre le mur. Les gens passent, et sans aucune gêne, je les dévisage méchamment.

Concrètement, je déteste les endroits dans ce genre. À chaque coin se trouvent des flics : et comme vous le savez déjà, la police et moi, on n’est pas vraiment potes.

D’ailleurs, en parlant d’eux, certains commencent à lancer des commérages en chuchotant et en me regardant étrangement. À c’que je vois, ma réputation de délinquant est restée intacte, même si ça fait un moment que je n’ai pas foutu la merde.

Voici un point positif ! Ça me rassure.

Alors qu’une femme, binoclarde et coincée, s’arrête à quelques mètres de moi pour me dévisager, je ne peux pas m’empêcher de prendre la parole :

— Qu’est-c’tu veux, toi ? Baisse tes yeux et trace ta route !

Presque immédiatement, elle sursaute et se précipite vers l’ascenseur pour vraisemblablement me fuir. Forcément, en voyant mon manque de respect, Elena ne tarde pas à réprimander mon comportement. Et évidemment, ça m’est complètement égal.

— Il est toujours comme ça ? demande Klaus en fronçant les sourcils, visiblement perdu.

— Ouais. Malheureusement, fit Pearl en continuant de mêler ses lacets de manière aléatoire.

— Oh, je vois… Son côté détestable doit certainement être dû à un passé difficile, ou à de mauvaises fréquentations. À moins que–

— Hé, je vous entends tous les deux ! révélé-je, tandis qu’ils se mettent à rire à la vue de mon mécontentement.

Je roule des yeux, signe de désinvolture, et continue de toiser les gens.

Pendant ce temps, Klaus et Elena commencent une discussion inintéressante sur les actualités policières, et Pearl persiste à nouer ses lacets. Ses efforts sont détruits à néant, dès le moment où elle commence à enrouler le cordon autour de son doigt. Mais, elle est sérieuse là ? Ce n’est pourtant pas compliqué. Même un gamin écervelé pourrait le faire !

Je serre les dents, et décide de lui venir en aide, étant donné que c’est un cas désespéré. Lorsqu’elle me voit, devant elle, cette dernière émet un rapide tressaillement. Décidément, il en faut peu pour l’effrayer.

— Tu ne t’en souviens plus de ce que je t’avais appris ? Déjà ? me raillé-je avec un air mesquin scotché sur le visage.

— C’est ça, moque-toi.

Un sourire narquois se dessine sur mes lèvres, et instinctivement, elle soupire bruyamment.

Puisque nous savons tous les deux qu’elle n’arrivera jamais à faire ses lacets, Pearl pose son pied par terre et m’observe avec une certaine forme de haine. Par question de principe et de fierté, je sais qu’à ce moment précis, elle n’ose pas me demander de l’aide : en bref, aussi têtue qu’elle, tu meurs !

— Regarde et apprends, lui dis-je en posant un genou par terre.

Je commence à nouer ses lacets, sous les regards amusés de M. et Mme Hopkins, et lorsque je m’apprête à me lever : un cri aigu résonne dans le corridor. Putain, je pourrais reconnaître cette voix entre mille. Assourdissante et à la fois, irritante…

Bien évidemment, il s’agit de Thalia. Oh, merde. Mes yeux convergent sur mon costume, puis sur mon genou à terre, et encore sur mon costume. Double merde !

Quand je vois qu’elle se précipite vers moi, d’une façon presque immédiate, je me redresse et me mets à courir à l’autre bout du couloir.

— DEVON ! Je rêve ou tu viens de la demander en mariage ? s’écrit ma tante, avec une forte tonalité.

À l’entente de ses mots, je me tourne vers elle en la regardant avec des yeux ouverts tels que deux soucoupes. MAIS, MAIS… ! À présent, tous les regards sont braqués sur elle. Toutefois, elle s’en fiche royalement.

— Ce n’est pas ce que tu crois ! Tu délires complètement, Lia ! crié-je, et bizarrement, mes gestes dégagent un air de panique. (Klaus et Elena sont à bout de souffle à cause de leur hilarité, et Pearl est également en train de rire.) Arrêter de vous marrer, bande de traîtres !

Ma tante s’approche de moi, néanmoins, je pars dans le sens opposé. Avec elle, c’est tout le temps comme ça, il faut toujours qu’elle arrive au mauvais moment et mauvais endroit. Maudits soient sa curiosité et ses quiproquos !

— Oh, bah ça alors ! C’est la première fois que je te vois rougir, lance Thalia, et je la fixe comme si elle s’était soudainement transformée en monstre.

— Quoi ? Non, pas du tout, riposté-je rapidement.

Alors qu’elle se met bêtement à éclater de rire avec les autres, un homme débarque pour nous signaler que nous pouvons entrer dans la salle de tribunal. Tous, sans exception, reprennent leur sérieux. Un autre mec s’oriente vers moi pour que je puisse m’installer derrière la barre : là où je suis supposé dire mon témoignage. En moins d’une fraction de seconde, l’ambiance est devenue pesante, presque oppressante, et malgré mon naturel, je n’arrive pas à dissimuler mon anxiété.

Ce n’est pourtant pas la première fois que je viens dans cet endroit, symbole même de la justice et du respect des lois.

Normalement, le fait d’avoir les paires d’yeux sur moi ne me dérange absolument pas, mais là, c’est étrangement différent.

Je me sens mal à l’aise – à la limite de la timidité. Mon attitude audacieuse s’est quasiment évaporée de la surface de la Terre.

Avec une once de réticence, je m’assois sur une chaise, près du juge, avec l’esprit complètement ailleurs. Je n’écoute pas les paroles du gars en noir : et encore moins du magistrat. À vrai dire, ce qu’ils disent m’importe peu. Je capte seulement ce qui m’intéresse. Autrement dit, lorsque l’un d’eux annonce la venue du suspect, mon cerveau s’active automatiquement. Ça, c’est intéressant !

Je lève la tête, balaye la cour du regard, et me stoppe sur l’individu en orange.

Et aussitôt, mon sang s’afflux à un même point. Bordel. Je le connais.