Épisode 34 – Le précieux lit
× Early’s head ×
•
Oh mon dieu. Actuellement, un corps ensanglanté est en train de joncher le capot de ma voiture. C’est un véritable cauchemar ! Que suis-je censée faire une telle situation ? Je n’arrête pas de crier, prise de panique et de frayeur. Heather ne peut pas s’empêcher de pleurer face à ça. Il faut dire que tout ceci semble si irréaliste. Une course de voitures, une fusillade suivie de la vue d’un homme en piteux état – probablement, mort. Impossible de rester calme dans ces conditions.
— Démarre cette putain de voiture, maintenant ! Ordonne Wayne, en essayant d’échanger de place avec Heather.
— Quoi ?! Mais, ce gars-là est mort, Wayne. MORT ! Tu te rends compte ? Je n’arrive pas à canaliser mon affolement. Après tout, c’est la première fois que je vois une personne décédée devant mes yeux. Croyez-le ou non, ceci est terrifiant.
Alors que Heather se dirige dans la banquette arrière, Wayne s’installe à ma gauche. Tout ça, en un temps record. Mes larmes me montèrent aux yeux. Merde, qu’est-ce qui me prend ? Je ne dois pas flancher. Il m’est interdit de pleurer, cela n’est qu’une perte de temps, en vue des événements présents. Le corps de l’homme roule le long du capot, étant désormais, recouvert de sang. Bon, il ne faut pas que je m’évanouisse en voyant ça.
— J’en ai rien à faire de lui ! C’est nous qui risquons de mourir si on reste ici. Dit Wayne, tout en tournant ma clef de voiture. Les Outsiders sont là.
Suite à sa remarque, j’acquiesce rapidement et ne tarde pas à allumer le moteur afin de m’éloigner le plus loin possible d’ici. Je fis marche arrière, et tourne brusquement le volant. C’est alors que je m’engage dans une route déserte, à une vitesse folle. Wayne prend soin de regarder derrière nous, pour s’assurer que les Outsiders ont perdu notre trace. Je serre fermement le volant entre mes mains en essayant de contrôler mes émotions. Bien que j’habite à UnderGlade depuis plus d’un mois, je ne me suis toujours pas habituée aux sensations fortes. Trop de sensation à la fois, j’ai dû mal à retrouver mes esprits. De plus, je ne suis pas la seule à être dans un tel état : Heather entreprend de gros sanglots.
— Je… Je v-veux rentrer, chez moi… ! Pleurniche-t-elle, tandis qu’un silence envahit le véhicule.
Et là, elle commence à lister toutes les émotions qu’elle ressent, en ce moment même. Ainsi que le fait que nous avions failli mourir, et la gravité de la situation précédente. Ses paroles ne font qu’empirer davantage l’atmosphère, plus qu’elle ne l’est déjà. Oh, non. Ça recommence. Je vais chialer de façon imminente. Elle venait d’évoquer la mort de l’homme, en disant que c’était de notre faute. Je contracte les muscles.
— Bordel, mais ferme-là. La voix de Wayne retentit, et d’après le ton qu’il prend, celui-ci est agacé.
Heather se tait, immédiatement. Seigneur, merci. Par la suite, je me dirige vers la maison d’Heather, grâce à ses indications. Cette dernière est inévitablement intimidée par Wayne. Je suppose qu’il ne l’aime pas. Sa voix est à peine audible, probablement, car elle ne veut pas attiser l’irritation de Wayne. Arrivée à destination, je m’arrête devant sa demeure familiale. Et à mon plus grand étonnement, elle se précipite hors de l’automobile pour s’aventurer chez elle : aucun signe de politesse, ni même d’au revoir. C’est plutôt vexant pour ma part. J’inspire profondément et continue ma route en direction de ma maison, accompagnée de Wayne étant captivé par l’écran de son portable.
— On est arrivés. J’annonce en sortant de la voiture, il opine instantanément.
Je franchis le seuil de la porte d’entrée, constatant que mon angoisse commence à se dissiper. Malgré tout, je décide de boire un verre d’eau, même si cela ne sert strictement à rien. Je devrais aller dormir. Après une telle soirée, j’en ai réellement besoin. Alors que je m’apprête à monter les escaliers, c’est à cet instant que je remarque que Wayne se trouve devant moi. Logiquement, il se rend à l’étage.
— T’es sûr que tu ne veux pas dormir sur le canapé ? Il est bien plus confortable que le tapis, je peux te l’assurer. Je propose d’un ton amusé, de ce fait, il se tourne vers moi.
— Sadique… Crache-t-il avant de continuer à monter les escaliers en direction de ma chambre.
Je roule des yeux en le suivant. Même en le voyant de dos, il reste toujours autant attrayant. Avec sa démarche décontractée, son parfum enivrant parvenant jusqu’à mes voies nasales, et ses cheveux noirs en batailles. Il est tellement… incomparable. Je secoue vigoureusement de la tête pour éloigner ces pensées qui n’a pas lieu d’être. Je dois rester passible et indifférente face à ses charmes.
Comme par habitude : je saisis mon pyjama et m’enferme dans la salle de bains pour pouvoir l’enfiler, sereinement. Je profite de ce moment pour me démaquiller, ainsi que de me brosser les dents. Mes yeux convergent sur le miroir reflétant mon apparence. Ma tenue est assez ridicule, mais incroyablement confortable. Il s’agit d’un short blanc décoré d’une multitude de licornes et d’un débardeur noir, avec le joli dessin d’une crotte avec des yeux. Oui. Un excrément. Mais, bon. J’ai trouvé cela mignon – et avant tout, peu cher. Bref. Je me dirige à nouveau dans ma chambre, découvrant sans étonnement, Wayne.
Étrangement, je m’attendais à sa réaction. Il éclate de rire en voyant ma tenue, quitte à m’examiner de haut en bas. Je soupire bruyamment en m’avançant devant mon armoire, afin de prendre une couverture.
— Tiens. Dis-je en lui tendant la couette pour qu’il puisse dormir.
— Pas la peine. Je dors sur le lit, ce soir ! Déclare-t-il, sûr de lui. Un sourire radieux honore son visage.
— Hum… nan.
Ensuite, je lui lance la couverture en pleine figure. J’hallucine. Il rêve complètement. C’est déjà un miracle que j’accepte qu’il puisse dormir chez moi alors, il ne faut pas abuser non plus. Ma gentillesse à des limites. Hors de question que je laisse un garçon que je connais à peine, dans mon lit – étant par ailleurs, l’endroit le plus précieux de la maison. Certes, nous avons déjà dormi ensemble, mais ce fut une erreur d’inattention de ma part. Ceci ne doit pas se reproduire ! En plus, la situation a dégénéré lorsqu’il m’a embrassé. Enfin, bref. Plus je l’éloigne de mon lit, plus la suite des événements se passera sans problème. Wayne dormira sur le tapis, fin de l’histoire. S’il le souhaite, dans le canapé. Mais, je doute qu’il veuille accepter cette offre.
— Quoi ? Répète pour voir. A-t-il ajouté, manifestement étonné de ma lassitude.
— J’ai dit : nan. Ma maison, mes règles. Tu ne dormiras pas, une nouvelle fois, avec moi. Point final. Le ton de ma voix, ferme et stricte, me surprend dans le bon sens du terme.
Je commence à prendre confiance en moi. Et ceci ne plait apparemment pas à Wayne, ce dernier contracte sa mâchoire. À ses côtés, je me sens invincible. Il ne peut pas me tuer, et il sait que je sais, bien qu’il ne veuille pas que je sache ce qu’il sait. Wow. C’est compliqué dans ce point de vue. Pour faire court, je peux lui tenir tête. Wayne s’oriente dangereusement à mon égard. Ça ne présage rien de bon. Merde. Où est passée ma confiance en soi ? Je perds tous mes moyens lorsque je rencontre ses yeux, ses sublimes iris verts.
— Ma ville, mes règles.
Fais chier. Mon expression me trahit. Toute ma crédibilité s’est envolée à l’instant où mon cœur rate un bond. Pourquoi faut-il toujours qu’il gâche tout ? C’est agaçant.
— Argh ! Tu m’énerves. Je rétorque tandis que je peux distinguer un léger sourire sur ses lèvres. Et ça t’amuse, en plus !
Je me dirige vers mon lit pour un oreiller parmi plusieurs étant correctement disposé sur le matelas. Puisque je ne veux pas dormir avec lui, il va falloir que je dorme par terre. Cette idée ne m’enchante vraiment pas. Mais, bon. Ceci n’a pas d’importance. J’ai tout de même réussi à convaincre Wayne Perkins à dormir par terre pendant près d’une semaine. Je mériterai un oscar, ou truc dans l’genre ! Malheureusement, je devais me rendre à l’évidence que ce jour allait arriver : la rébellion.
— Qu’est-ce que tu fais ? Interroge-t-il en retirant sa veste, son sourire victorieux demeure encore sur ses lèvres.
— Bah, je vais cueillir des papillons. Ça ne se voit pas, non ? Dis-je d’un ton sarcastique. Je ressens un minuscule pincement au cœur à l’idée de quitter mon lit, le temps d’une nuit.
Il est vraiment culotté pour squatter chez moi et voler mon précieux lit. Ugh, maudit soit-il. Lorsque je dépose mon oreiller par terre, il comprit instantanément mes intentions : c’est-à-dire, dormir par terre. Très peu réjouissant pour moi.
— Attends. Je suis si repoussant que ça pour que tu ne veuilles pas dormir avec moi ? Affirme Wayne, visiblement outré.
Ah, si tu savais. En réalité, c’est tout à fait le contraire. Il est beaucoup trop beau et attirant pour que je dorme avec lui, tout simplement. Mais, juste pour le faire chier de prendre possession de mon lit, je dis :
— Ouais.
C’est dans ces moments-là que je ne réalise pas que je suis actuellement en train de m’adresser à Wayne Perkins : le gars détenant plus d’antécédents criminels que d’heures en classe. Je sais que j’exagère sur les bords, mais quand même.
— T’essayes de me provoquer, n’est-ce pas ? Dit-il en retirant ses chaussures pour les déposer au pas de la porte.
— Peut-être.
Décidément, il faut que je réfléchisse avant de dire tout ce qui me passe par la tête. Je souffle, exaspérée. J’étale ma couverture sur le sol et place correctement mon oreiller, en prenant soin de le tapoter. Étant donné que nous sommes en weekend, je n’oublie pas d’éteindre l’alarme de mon réveil. Pendant ce temps, je remarque que Wayne fixe attentivement la rue, à travers la fenêtre. Qu’est-ce qu’il regarde, au juste ? De toute manière, cela ne me concerne pas. Je m’installe par terre, sur la couette, en détachant mes cheveux étant attachés. Et là, je constate que Wayne retire son haut pour terminer torse nu. Wow. On se calme. Il n’est pas censé faire ça !
— Hé ! On était d’accord pour que tu n’enlèves pas ton haut pour dormir. Je riposte en essayant de ne pas reluquer son buste. Je dois résister à la tentation.
— Je n’ai jamais dit que j’étais d’accord… J’ai seulement hoché de la tête, nuance.
Ne pas l’étrangler, Early ! Inspire et expire. Il vaudrait mieux pour moi que je dorme dans le salon, plus précisément, sur le canapé. D’une part, car mon confort sera optimisé et d’autre part, pour ne pas regarder Wayne dormir paisiblement sur mon lit douillet. Je me lève, prends le strict minimum, correspondant à : une couverture et un oreiller. Et rejoins la porte, à pas assuré.
— Tu vas où ? Demande-t-il en étant assis au bord du lit.
— Dans le salon. Je réponds sèchement, tandis que je le vois s’avancer vers moi.
Et soudain, sans que je m’y attende, il place sa main sur la poignée de la porte.
— Comment je fais si Brendon vient dans le salon, hein ? Tu dois rester ici. Sa voix est ferme.
Ceci est la pire excuse que je n’ai jamais entendue de toute ma vie ! C’est sûr que Brendon ne remettra plus jamais les pieds ici donc, je n’ai strictement rien à craindre. Ses yeux sont plantés dans les miens. C’est à cet instant que j’essaye de déchiffrer ce qui pourrait se tramer dans l’esprit diabolique de Wayne. Ma technique de corruption ne marche pas sur lui. Je ne peux pas lui faire avouer ses véritables intentions. Mais, tout ce que je réussis à deviner est que Wayne cache quelque chose, du moins, c’est ce dont je peux en déduire en regardant attentivement ses yeux. Rien de certain. Seulement une analyse de son attitude. J’ai la forte intuition que Wayne utilise le prétexte de me protéger de Brendon pour dissimuler autre chose. Mais, qu’est-ce que c’est ? Nous restons là, debout, à nous regarder sans réellement savoir pourquoi. Je n’arrive pas à détacher mon regard du sien, c’est impossible. J’entends très distinctement la vitesse à laquelle son souffle s’est accéléré. Une tension indescriptible s’immisce entre nous.
— À condition que tu répondes à une question. J’affirme en continuant à le regarder.
Une question me trottait dans ma tête depuis un moment.
— Laquelle ? Rétorque-t-il, presque instantanément. Son souffle chaud s’écrase sur mes joues à cause de sa promiscuité.
Je prends mon courage à deux mains, et prends à nouveau la parole.
— As-tu déjà tué quelqu’un ?