CHAPITRE 28
J’en reste bouche bée. Totalement. Mon cœur rate un bond, tandis que je souris faiblement. Étant donné que je suis physiquement invalide pour le moment, je ne peux évidemment pas me lever. Par conséquent, je me contente de les observer, avec un sentiment de soulagement.
Ils sont là.
Et même si cela porte à confusion, non, il ne s’agit pas de l’équipe de bras cassé : mais, plutôt de mes amis. Jared, Chace, Aaron, et Wade. Vous vous en souvenez ? AH ! Décidément, faites un effort, tout de même ! Ils étaient là lors de ma fête surprise chez les Hopkins, et sont souvent présents durant mes combats de boxe. Ça y est ? Votre mémoire est de retour ? BIEN ! Peu importe si ce n’est pas le cas. L’important c’est qu’ils sont ici, à quelques mètres de moi, et que je peux définitivement me sentir rassuré.
Bien qu’aucun d’eux n’est boxeur, ce sont de bons bagarreurs – ainsi qu’accessoirement, de vrais fauteurs de troubles.
— Yo, Devon ! Désolé pour le retard, me sourit Aaron en s’avançant sereinement vers nous.
Pendant ce temps, Blake entreprend une pression avec son pied au niveau de mon dos afin d’éviter que je commette une tentative de fuite.
Lorsque les malabars se décident à se débarrasser des intrus, aussitôt, Wade parvient à les mettre à terre grâce à ses lancés de shurikens étant enseveli d’une substance narco– et je me souviens plus de la fin du mot, oups.
— Qui êtes-vous ? s’énerve Blake en sortant un flingue.
— Oh, toi ! s’exclame Jared en se dirigeant vers l’enfoiré. Sais-tu que c’est vraiment suicidaire de s’en prendre à Devon ?
— Ah bon, et pourquoi ça ?
— Quoi qu’il arrive, on est là et–
Un coup de feu retentit provoquant un sursaut de ma part. Rapidement, je lève la tête pour m’assurer à ce que Jared ne soit pas blessé. Eh oui, en effet, il n’a pas la moindre égratignure. Comme d’habitude.
Ce mec arrive toujours à esquiver des attaques d’armes à feu grâce à son temps de réaction plus élevé que la norme. Malgré tout, je ne peux pas m’empêcher d’imaginer le pire des scénarios. Surtout dans de telles situations.
— Loupé, dit-il dans un murmure. Tocard.
Jared sort un taser de sa poche, et s’empresse d’infliger une forte décharge électrique à Blake. Je décide de regarder autour de moi en remarquant que Chace et Wade se battent contre le reste des agents de Blake. Alors qu’Aaron, n’étant pas un grand adepte des affrontements corporels, se contente de libérer Pearl afin que celle-ci soit en mesure d’aider les autres. Il faut savoir que les gars musclés de Blake sont assez tenaces ! Un simple coup de poing ne suffit pas. Malheureusement.
Je les fixe en étant toujours allongé par terre, ventre contre le béton, et remarque la présence de Jared. Il se met accroupi face à moi, et me gratifie un sourire. Au fond, je suis sûr qu’il m’en veut de ne pas lui avoir donné de nouvelles pendant plusieurs jours. J’ai ignoré beaucoup d’appels venant de lui – si bien que je n’arrive même pas à me rappeler du nombre exact.
— Tu aurais dû nous prévenir, Devon. Si on n’avait pas suivi les rumeurs sur ta petite escapade à Ravenstein, ta vie aurait été en danger… Nous sommes toujours là pour t’aider, tu le sais ça ? déclare-t-il en gardant une voix calme. Toujours et à jamais, tu t’en souviens ?
Je hoche mollement de la tête, vidé de toute énergie. Il m’aide à me lever en mettant mon bras au-dessus de mes épaules – je me retiens de gémir en grimaçant légèrement. Mon regard s’arrête sur le corps de Blake se trouvant actuellement étendu au sol. L’envie de le buter me submerge. Mais, ce besoin – autrefois vital – disparaît. Il n’en vaut pas la peine. Avec ses désaccords avec le gouvernement et l’Agence, ses nombreux homicides volontaires, son enlèvement, et le fait qu’il a violé une personne : cette ordure va assurément croupir en prison. Et c’est bien mieux comme ça. Mon raisonnement m’étonne presque. Quelques mois plus tôt, j’aurai seulement agi sur le moment. D’une manière spontanée et irresponsable.
Au bout de plusieurs minutes, la lutte enragée cesse. Les agents de Blake sont correctement attachés avec des menottes, et ont tous été drogués – c’est également le cas pour le salopard.
Les flics ont été appelés, et donc, il ne nous reste plus qu’à nous barrer. Mais, à cause de mes blessures, ça risque d’être compliqué. Je n’ai plus de force. Littéralement. Mes membres sont endoloris, et j’ai l’impression que je vais m’effondrer à tout moment.
— Il faut l’emmener à l’hôpital ! intervient une voix féminine, et cinq paires d’yeux s’arrêtent sur Pearl.
— Devon déteste être soigné dans ce genre d’endroit. Alors, on va plutôt se contenter des bonnes vieilles méthodes ! Une trousse de soins, et basta, rétorque Jared.
— Mais… commence-t-elle en croisant ses bras contre sa poitrine.
— Désolé, ma jolie, mais on ne change pas nos plans ! fit Chace en essuyant ses mains tachées de sang. Au fait, on va devoir trouver Dark et ses compagnons, ainsi que trouver un endroit où dormir et–
Instantanément, mes paupières se ferment.
✽✽✽
« Quel est le son de ma voix ? Je ne m’en souviens plus. C’est vague et nébuleux – frôlant presque le néant total.
— Devon, parle-moi… S’il te plait, me demande Thalia en éclatant en sanglots. Dis quelque chose !
Ses pleurs sont exactement les mêmes que ma mère. Douloureux et déchirant. Je la regarde attentivement me supplier de parler, mais tout ce que je trouve à faire: c’est de rester là, complètement immobile.
— Oh, ferme ta putain de gueule ! Ce gosse est un cas désespéré, grommelle mon oncle avant de sortir de la maison en claquant la porte contre le ventail.
Thalia s’effondre par terre. Tandis que je reste neutre. Je décide de me mettre accroupi devant elle, afin que nos visages soient face à face. Un sourire hypocrite se dessine sur mes lèvres. Et un épais silence s’installe entre nous. J’hésite. Mes gestes sont réticents. D’une façon extrêmement vacillante, je prends son menton du bout de mes doigts, relève délicatement sa tête et je déclare doucement, d’une voix cassante :
— Je vais bien. »
RENAISSANCE !
En prenant une soudaine inspiration, je me réveille brutalement en me redressant de mon lit. Saleté de souvenir. La pièce est noyée dans l’obscurité. Et une vive douleur m’attaque tandis que je découvre qu’une multitude de bandages est accrochée à mon torse. Hein ? Aussitôt, je saute hors du matelas pour analyser l’endroit dans lequel je me tiens. Une chose est sûre : ce n’est pas la maison d’Elena ou de Thalia.
Alors que l’équilibre de mon corps est chamboulé, je m’efforce de ne pas tomber. En réalité, à la place d’écraser le tapis, je suis entré en contact avec un truc bizarre… BORDEL ! Y’A UN BRAS PAR TERRE !
— Aïe ! Tu ne pourrais pas faire attention ?
Je plisse les yeux en me rendant pleinement compte qu’il ne s’agit que de Pearl. Ah, ouf. Putain, j’ai vraiment flippé sur le coup ! Mais, au fait, qu’est-ce qu’elle fiche ici ? Et puis, où sommes-nous ? Je cherche l’interrupteur en tapant aléatoirement sur un mur, et lorsque l’ampoule s’allume, on aurait cru que mes orbites viennent de brûler !
— Ahh, trop de lumière ! se plaint Pearl.
— Où on est ? la questionné subitement.
— Bah, à Ravenstein. Bruh, me répond-elle comme si cela est une évidence. (Je fronce les sourcils, et elle se lève). Blake, kidnapping, combat. Ça te dit quelque chose ? Attends. Rassure-moi. Tu n’as pas perdu la mémoire, hein ?
— Quoi ? Arrête de dire n’importe quoi, lâché-je, outré. C’est quoi c’te chambre ? Parce que si tu ne l’avais pas remarqué, je suis tombé dans les vapes entre-temps.
Je me dirige vers la fenêtre, ouvre brièvement les rideaux, et examine le paysage merdique. Oui, effectivement, on est à Ravenstein. Et si mes analyses sont bonnes, on se trouve dans la partie moche de la ville. Au loin, je parviens à lire une pancarte miteuse : « MOTEL LOS VIGAS ».
— On est dans un motel, m’informe-t-elle et je me tourne dans sa direction. Les autres le sont aussi. Nous avons tous des chambres différentes.
Oh, tout s’explique. Dans ce cas, ça signifie que j’ai dormi seulement quelques heures, puisqu’il fait encore nuit dehors. Je dirais que nous sommes dans les alentours de quatre heures du mat’, pas plus. Tant mieux. J’ai grandement besoin de dormir. Avec toutes ces nuits blanches accumulées ces temps-ci, il m’est difficile de rester en forme. Je bâille, et passe une main sur mon visage. Bordel. Je ne sais pas si c’est à cause des blessures reparties sur l’intégralité de mon corps qui me rend aussi épuisé, mais là, j’en peux plus. LE SOMMEIL M’APPELLE.
— Bon. Je vais y aller, affirme Pearl en se levant du tapis miteux.
Minute papillon. Comment ça s’fait qu’elle soit dans MA chambre alors qu’elle en a déjà une ? C’est louche tout ça… Mini-Hopkins était sûrement en train de m’admirer pendant que je dormais : je ne vois pas d’autres possibilités ! Intéressant, très intéressant même… Lorsque cette dernière passe à proximité de moi pour sortir, je l’interromps immédiatement dans son élan. Je souris malicieusement, et elle roule des yeux en hochant négativement de la tête. Bah ça alors ! Elle a deviné à quoi je pensais. A-t-elle obtenu des super-pouvoirs durant son kidnapping ? Affaire à suivre.
— J’étais là pour te soigner, et je me suis endormie par terre. Fin de l’histoire, ne t’avise surtout pas de t’imaginer des trucs bizarres, me menace-t-elle en se détachant de mon emprise.
— Ah bon ? Alors, explique-moi pourquoi la lumière était éteinte, dis-je avec une certaine forme d’amusement.
— J’en sais rien, moi ! Bah, euh… Peut-être qu’il existe des capteurs de mouvements, ou un truc dans l’genre, rouspète-t-elle, visiblement agacée par ma gaieté. Oh, et puis merde. Je sais même pas pourquoi je devrais me justifier !
Irritée, elle s’oriente à nouveau vers la porte, en n’oubliant pas marmonner plusieurs jurons. Je souris. Pearl est de retour. Et ce n’est pas si mal. Cette dernière éteint la lumière, pour vraisemblablement montrer son énervement, et s’apprête à ouvrir la porte pour déguerpir au plus vite de cette chambre de motel.
Cependant, mes pulsions prennent le dessus. Un geste de ma part se manifeste : ceci m’étonne autant que Pearl. Qu’est-ce qui me prend ? En toute honnêteté, je n’en sais rien.
À présent, je sens son souffle sur mon torse. Mes bras l’entourent, et nous restons immobiles. Les humains appellent ça… Un câlin. Quel mot étrange dit donc ! Normalement, je hais ça. Kendall essayait toujours de m’en faire, en vain. Tout comme Thalia, d’ailleurs. Leurs essais ont été dévastés par ma froideur inégalée. Je peux distinctement entendre la vitesse à laquelle le cœur de Pearl s’est accéléré. Elle tente de me repousser, mais je resserre davantage notre étreinte étant plus ou moins inattendue.
— Lâche-moi, grogne-t-elle doucement. Devon… !
Désormais, sa tête se tient sur mon épaule, et ses démarches d’échappement se stoppent. Au fond, cette marque d’affection n’est pas si terrible. En fait, avec un peu de recul, c’est plutôt agréable. La chaleur de Pearl réchauffe ma chair étant habituellement glaciale. Ce choc thermique est plus plaisant que je ne l’aurais cru.
— Devon… Il est bientôt quatre du matin, il faut que je parte, renchérit-elle en guise d’argument pour fuir. Alors, lâche-moi.
— Reste.
Elle soupire bruyamment, et je me sens progressivement défaillir. Un silence envahit la pièce, mais se trouve soudainement briser par une réponse de sa part :
— Non, révèle-t-elle, sèchement.
Je me fige. De ce fait, elle profite de ma surprise pour s’éloigner de moi, et en brisant au passage, notre câlin.
— Écoute, je ne sais pas à quoi tu joues, Devon, mais sache que je ne suis pas un putain jouet. Quelques jours après ton arrivée, tu avais fait le serment de me faire souffrir avec ton attitude douteuse, et manifestement, me prendre dans tes bras fait partit de ton plan, car tout le monde sait que tu détestes ça…
— Je– commencé-je, mais elle me coupe soudainement.
— Que l’on soit clair, tous les deux, je ne tomberai pas dans ton piège. Tu peux être sincère, je n’en sais rien ! Mais pour l’instant, à mes yeux, tu es toujours en train de me manipuler. Et, clairement, je ne supporte pas ça. Kendall m’a contacté deux semaines plus tôt pour me mettre en garde de tes intentions douteuses.
Mais, qu’est-ce qui lui prend de me jeter tout ça à la figure ? Je n’arrive même plus à sortir une repartie convenable. C’est pourquoi je reste muet – l’extinction de ma voix me permet d’encaisser les événements.
— Et je ne sais pas si ça fait également partit de ton plan, mais… merci d’être venu me sauver, poursuivit-elle à voix basse.
— Pearl, écoute–
— Bonne nuit, Devon.
À ses mots, elle s’en va. Et je n’ai pas le courage de l’en empêcher. Je me crispe. Putain de merde.
Mon état mental avait été reconditionné à ne jamais céder, et à rester neutre dans toutes les situations qui puissent exister : alors, pourquoi ai-je l’air si décomposé ? Je ferme la porte, m’adosse contre le coin de la pièce, et me baisse jusqu’à me retrouver par terre.
Qu’est-ce qu’il m’arrive, bon sang ? Je suis content, et la minute d’après, je suis totalement dévasté. Concrètement, je demeure émotionnellement instable. Mon cœur bat. Beaucoup trop vite.
Soudain, mon poing s’écrase sur le mur. Ma main meurtrie tremble. Je la regarde scrupuleusement, avec stupeur. Merde, c’était vraiment une mauvaise idée. Déjà que mon corps éprouve une profonde souffrance à cause des coups de Blake, il vaut mieux que je ne dégrade pas mes plaies. Je souffle, et pose l’arrière de ma tête contre le mur.
C’est seulement maintenant que je me rends compte que j’ai agis comme le dernier des enfoirés, et quelque part, je peux comprendre l’énervement de Pearl à mon égard. Mon but était de jouer avec ses sentiments.
Je souffle profondément. Est-ce ça… un rejet combiné à du chagrin ? C’est douloureux. Je ne l’ai peut-être pas officialisé avant, mais il s’avère que le jeu de Bad Boys a cessé dès le moment où Pearl s’est fait enlever, et que j’ai réalisé à quel point cette stratégie de séduction était puérile. J’imagine que cela m’a fait gagner en maturité.
« Oh que non ! Arrête ça, Devon. Tu ne dois pas chialer ! Retiens-toi, putain. »
Ma foutue conscience résonne dans ma tête. Je ferme les paupières, serre les poings, et contracte ma mâchoire. J’humecte ma lèvre, et essaye de penser à des éléments positifs. C’est quasiment impossible. Si j’avais su que ce programme de protection des témoins allait autant dégénérer : c’est sûr que je me serais barré à l’autre bout du pays.
Je soupire, une énième fois, et tente de convaincre mon subconscient que je vais parfaitement bien. Malheureusement, il n’est pas dupe. Je me lève, et m’oriente en direction du lit, suite à mon envie constante de dormir. Lorsque je m’enfouis sous la couverture, des grimaces se dessinent sur mon visage. Mes blessures risquent de prendre un sacré bout de temps avant d’être correctement guéries. Mais, bon. Ça m’est complètement égal. Je m’en contrefiche…
Et là, sans que je m’y attende, des coups viennent trembler contre la porte. Mais, qui est-ce ?
Rapidement, quatre gars pénètrent illégalement dans la chambre.
Bien entendu, ce sont mes amis. Et forcément, lorsque cette information me travers le cerveau, je me mets à gueuler. D’une part, car je souhaite dormir en paix. Et d’autre part, car je ne suis clairement pas d’humeur. L’un d’eux se décide à allumer la lumière, et immédiatement, mes injures redoublent de puissance. J’AI SOMMEIL, BORDEL DE MERDE ! Qu’on me laisse dormir, putain !
— Relax, on voulait seulement vérifier que tu es en bonne santé ! s’écrie Aaron tandis que je me contente de recourir entièrement mon corps. Et visiblement, tu pètes la forme !
— Ta gueule. Je veux dormir là ! braillé-je en fermant les paupières.
— Pas la peine d’être autant énervé. Dois-je te rappeler qu’on vient de te sauver la vie ? fit Chace, et je me fourre davantage dans le matelas.
— RIEN. À. FOUTRE.
Ils se mettent à rire à l’entente de ma remarque : ceci provoque automatiquement un grognement de ma part. Oh, je vais les tuer ! Ils adorent me mettre en rogne, ces bâtards. La meilleure solution serait de les ignorer. Ouais, c’est ça. De cette manière, ils cesseront de m’importuner. Et je pourrais finalement sombrer dans les bras de Morphée !
— On s’est vraiment inquiété pour toi, Devon. Tu le sais ça ? déclare Wade avec son sérieux habituel.
— Oh, c’est bon ! J’ai compris, putain... J’ai été irresponsable de m’aventurer à la recherche de Blake, seul, et sans vous prévenir. Ainsi que cruel de vous donner pratiquement aucune nouvelle ces derniers temps ! dis-je en me redressant.
Les étincelles de lumière me brûlent laconiquement les yeux, et je les vois, face à moi, avec des sourires satisfaits. Je grogne profondément, et hésite quelques secondes avant de prendre la parole :
— Pour ça. Je suis sincèrement désolé… Vous me pardonnez ?
Aussitôt, une masse importante d’êtres humains s’avachit sur moi. J’aurai dû mit attendre… ugh. J’agonise doucement, tandis que plusieurs éclats de rire résonnent dans la pièce étant désormais dans la noirceur de la nuit.
— Bien sûr qu’on te pardonne, espèce d’enfoiré !
— Et puis, de toute façon, que ferions-nous sans notre leader détraqué et insoucieux ? lâche Jared, et je lui donne un coup de coude.
— Va te faire foutre, rié-je et ils commencent tous à tirer la couverture.
D’après mes analyses, ils comptent sérieusement dormir avec moi, dans ce lit à une place : malgré le fait qu’ils ont déjà des chambres à eux. Décidément, ces mecs sont arrivés à Ravenstein dans l’unique volonté de me faire regretter les moments où je les ai complètement zappés de ma tête. Quelle bande de connards. Mais, bon. Ils restent mes meilleurs amis – ou plutôt, mes frères d’une autre mère.
Je tente de succomber à un rêve agréable. Toutefois, les pensées vis-à-vis de l’altercation précédente avec Pearl ne tardent pas à me tenailler vigoureusement l’esprit. Mes paupières s’ouvrent, et j’aperçois Wade, à ma gauche, en train de s’assoupir sur le bord de la fenêtre. Manifestement, bien qu’il semble tout autant fatigué que moi, celui-ci n’arrive pas à trouver le sommeil. Je m’oriente vers lui, et il se tourne brusquement à mon égard.
— Insomnie, pas vrai ?
— Ouais, c’est tellement chiant, me dit-il en soupirant longuement.
Je m’adosse contre le mur, avant de le regarder attentivement. Le rayon du clair de lune me permet de voir ses cernes marqués et ses yeux écarlates. De toute évidence, il est vraiment mal en point. Surtout depuis qu’il a perdu son chien – ou devrais-je dire, son seul et unique confident. Wade a toujours été le plus mystérieux de la bande. Mais, également, le plus attachant. Il est constamment là pour nous écouter, ainsi qu’à nous donner des conseils fondamentaux. En d’autres termes, Wade est quelqu’un de fabuleux. Il suffit de briser son masque d’indifférence pour découvrir sa personnalité en or.
— Wade, est-ce que tu vas bien ? chuchoté-je pour que les autres ne se réveillent pas.
Il m’observe. Ceci est comme une sorte de rituel entre lui et moi. Une pointe d’hypocrisie mêlée à de l’humour noir.
— Oui, comme toujours. Et toi, Devon… Est-ce que tu vas bien ?
Wade me sourit. Et un air de moquerie s’installe dans l’atmosphère. Je hoche positivement de la tête, et commence :
— Ouais, je vais bien.