CHAPITRE 23

Oh, putain. Je me retourne immédiatement, avec la respiration saccadée. Mon état, proche de la désespérance, ne s’arrange pas, surtout lorsqu’un tas de questions absurdes me torturent vigoureusement mon cerveau. Pearl n’a pas le droit de faire ça. Ceci ne fait pas partie du jeu. Nous sommes censés être dans la deuxième étape : là où je suis supposé embrasser d’autres personnes pour qu’elle soit jalouse. Et pas le contraire ! Les rôles ne peuvent pas changer… Cela est impensable, irréaliste, inconcevable. Cette idée me révulse.

Je… bordel. Je n’arrive pas à être explicite. Mon rythme cardiaque est tellement rapide que c’est comme si je viens de courir le marathon. Je mets mes cheveux en batailles, et tente indomptablement de déchiffrer mon comportement. Titubant jusqu’à l’îlot central, mon attention se focalise sur mon gâteau au chocolat.

C’est là que je me fige. Aussitôt, je jette la pâtisserie dans la poubelle. Et même si cela m’est difficile à admettre, je ne suis clairement pas ravie, mais plutôt en rogne. Leur baiser : cette scène m’est si détestable que mon corps me récrimine d’être cinglé. Je suis carrément démunie de toutes idées. Que dois-je faire, au juste ? JE N’EN SAIS RIEN, BORDEL DE MERDE !

Putain, putain, et encore putain. Je suis en train de péter un câble. Mais, pourquoi ? Ce n’est qu’un bisou à la con ! Je n’ai pas à me mettre dans un tel état pour ça, si ? Oula… On se calme ! Trop de pensées tout d’un coup : je n’y suis pas habitué.

Donc… Qu’est-ce que je fous encore dans cette cuisine ? Je souffle profondément, et décide de me barrer illico presto de cet endroit pour rejoindre ma chambre. ALLEZ HOP, AU LIT ! Il faut que je rattrape mes heures de sommeil. Il suffit simplement que j’engloutis un somnifère, et le tour est joué ! Je vais pouvoir oublier ce maudit contact buccal, ainsi que ma jalousie inhabituelle. YOUHOU !

✽ ✽✽

Deux jours se sont écoulés. Et pendant ce court intervalle, je n’ai pas pu m’empêcher d’éviter Pearl. Curieux comme vous êtes, vous voulez sûrement savoir pourquoi, n’est-ce pas ? Eh bien, sachez que je ne vous dirais pas la raison…

Non, j’déconne ! À quoi bon les secrets, ça ne sert à rien. Vous connaissez trop de choses sur moi, alors autant tout vous dire ! Ça me paraît logique, quand même ! Vous êtes mes confidents adorés… – ne vous avisez surtout pas de prendre des grades, hein. On va dire que je ne vous déteste pas, est-ce clair ? Ne pensez pas que je vous aime, ou un truc dans l’genre.

Selon moi, l’amitié et l’amour ne sont qu’autres que des conneries. Je ne supporte pas ça, eurk.

Bon, revenons à nos moutons égorgés ! Le pourquoi du comment de ma méprise à l’égard de la chieuse se résume en une phrase : je ne sais pas – et j’n’en ai rien à foutre. Vous avez probablement des envies meurtrières à cause de ma réponse implicite, non ? Dans ce cas, oups. Honnêtement, je ne suis même pas désolé de vous agacer. Et puis, vous êtes sans doute habitué(e)s par mes pensées impertinentes et sans grande envergure.

— Sois sage ! Tu n’as pas intérêt à faire des bêtises, Devon. Si tu oses fuir ou porter atteinte à cette résidence, je… commence Elena en posant sa main sur la poignée de la porte d’entrée.

— Ça va. J’ai compris… Tu vas me pourrir la vie et m’obliger à bouffer tes plats dégueulasses, soufflé-je en m’appuyant sur la balustrade des escaliers.

— Tu as oublié une chose, me dit-elle en tâchant de prendre un air amusé.

Son sourire diabolique détient la fâcheuse tendance de m’irriter. Je roule intentionnellement des yeux, tandis qu’elle attend patiemment que des paroles sortent de ma bouche. Durant une fraction de seconde, j’hésite. La connaissant, Elena serait capable de rester sur le seuil de la porte pendant un long moment, quitte à arriver en retard à son taf. Je soupire bruyamment, tout en gardant ma lassitude éternelle.

— Tu vas aussi héberger l’autre connard, et le faire dormir dans la chambre de Pearl. T’es contente là ? dis-je en croisant les bras contre mon torse dénudé.

— Oh que oui, je suis plus que contente ! Maintenant que tu as pleinement conscience des conséquences auxquelles tu es confronté, je suis persuadée que tu ne feras rien de mal. Je me trompe, Devon ? rétorque-t-elle avec ses manies malicieuses que je hais plus que tout.

— Bordel, tu soûles ! Va à ton travail, lâché-je avec désinvolture.

— Ne sois pas si impoli, voyons, me reproche-t-elle.

Sa remarque provoque un énième soupir de ma part. Sans plus tarder, je monte à l’étage pour me rendre dans ma chambre. Ainsi, je peux mettre un terme à cette saleté de conversation. Lorsque je me trouve dans le couloir, mon ouïe fut attirée par les éclats de voix provenant de Pearl. Donc, j’en viens à déduire qu’elle est actuellement dans une discussion téléphonique – même si la possibilité qu’elle soit devenue schizophrène est plutôt envisageable.

Étant donné que les murs sont fins, je peux parfaitement entendre la formulation de ses phrases – par ailleurs, son sujet de bavardage est vraiment louche. Ça ne présage rien de bon, croyez-moi. J’entre dans ma chambre, m’assois sur mon lit et sors mon portable : tout ça en gardant l’oreille tendue, bien évidemment.

— La menace est pire qu’avant. C’est pour ça que M. Underwood m’a ordonné d’abandonner ma mission pour me concentrer sur la type S ! J’ai vraiment trop la mort. Toutes mes études d’adolescentes normales sont perdues, putain. J’étais arrivée à être en dernière année ! Tu t’en rends compte ? J’y étais presque… affirme Pearl avec une certaine forme de déception dans sa tonalité. (À l’entente de ses mots, je fronce les sourcils et me tourne vers le mur séparant nos deux chambres.) Désormais, je suis déscolarisée. Et à vrai dire, M. Underwood ne m’a pas vraiment laissé le choix de l’embarras. J’ai dû inventer une excuse bidon, et tout le monde n’a vu que du feu. Même Luke et Chrissy.

Hum… J’ai le pressentiment d’avoir déjà entendu le mot M. Underwood auparavant. C’est étrange. Pourquoi Pearl doit accomplir des missions ? Je n’y comprends rien. À la base, elle n’était pas censée être une extraterrestre originaire d’une autre galaxie avec la résolution de conquérir le monde ? Réfléchissons.

Il se pourrait qu’elle soit membre dans une mafia italienne, et que son passe-temps est de chercher des vendeurs de drogue ! Mais, ceci ne pourrait pas expliquer le fait qu’elle veuille me protéger, et que les flics m’ont refilé à une meuf potentiellement dangereuse. La seule hypothèse crédible serait qu’elle soit agen… Non, je délire totalement.

— D’accord. Je vais me préparer, termine Pearl alors que je me noie dans un tourment de réflexion. On se voit tout à l’heure. À plus, Keegan.

Wait, what ? Comment ça « Keegan » ? Putain. Cet enfoiré ne pourrait pas crever ou bien ne jamais exister ? Tout serait si merveilleux. Son omniprésence m’énerve à un point inimaginable !

C’est alors que je demeure silencieux, songeant à mes plus grands désirs d’assassin. Effrayant, n’est-ce pas ? Ouais, je vous l’accorde. Enfin bref. Quelque minutes plus tard, le bruit d’une porte retentit suivit de l’activation d’un jet d’eau venant inévitablement du lavabo de la salle de bain. Je reste attentif. Et c’est de manière vacillante que je me lève de mon matelas. Au plus profond de moi, j’ai grandement envie de réclamer des explications vis-à-vis de M. Underwood. Mais, une force imaginaire m’en empêche. C’est que… Je, non. Euh, il s’avère que… non. Peu importe. Vous allez faire des conclusions beaucoup trop hâtives alors, il vaut mieux que je ferme ma gueule !

Rapidement, je m’installe sur le rebord de mon lit. Les battements de mon cœur s’accélèrent. Et un intense vide me submerge. J’ai la sensation que tout se passe vite – trop vite. Bien que mes journées semblent banales : pour mon esprit, ça ne l’est pas. Je suis constamment ivre de pensées. À cause d’elle. Bordel. Une simple fille arrive à me rendre confus et désorienté. Je suis un cas pathétique, vous ne trouvez pas ? En temps normal, je ne suis pas ainsi…

Devon Maxwell est un connard, étant supposé être perpétuellement sûr de lui dans toutes les situations possibles. C’est un fait, une vérité générale.

Bon, je présume que vous souhaitez être au courant du fondement même de ma froideur à l’égard de Pearl… Comme vous pouvez le constater, je ne vous ai pas vraiment dit toute la vérité. En effet, je sais pourquoi je néglige Mini-Hopkins. Ce n’est pas très compliqué. Mais étant donné que dans ma tête, tout se mélange, c’est assez difficile de retranscrire et de synthétiser mon état d’âme. DONC ! À présent, plus de secret entre nous. Promis.

Alors, ça y est. Je me lance… Hum, depuis la découverte de ma jalousie inespérée, je suis incapable de faire face à Pearl. Pourquoi ? Parce que je suis terrorisé. Je ne veux pas aimer une personne. Or, le fait que je sois jaloux prouve que cette chieuse m’intéresse, d’une façon ou d’une autre. Et je ne peux pas accepter ça.

Devon Maxwell est un sans-cœur, étant supposé être perpétuellement insensible aux émotions humaines dans toutes les situations possibles. Et encore une fois : c’est un fait, une vérité générale.

Je me lève – une fois de plus – et m’avance vers la porte. Soudainement, mon corps se retrouve complètement anesthésie. Je ne contrôle plus mes gestes. L’immobilité de mon être m’oblige à rester figer comme une simple image de pacotille. Les yeux bruns rivés sur l’ouverture en bois de couleur marron glacé, ma respiration s’atténue jusqu’à devenir inaudible. Une question s’immisce dans ma tête : qu’est-ce que je fous maintenant ?

Dans une insonorité totale, j’attends. Seul, au sein de cette pièce plongée dans la pénombre, éclairée par un filet de rayon résultant du clair de lune, un épais calme se met en place, avant d’être brutalement brisé par des coups tambourinant contre la porte. Pris de stupeur, j’abaisse immédiatement la poignée, et découvre Pearl. La rapidité de mon acte provoque un sursaut de sa part. Elle laisse résonner un hoquet d’étonnement dans le seuil de la salle, plante ses doux yeux électrisants dans les miens, et commence :

— Je te dérangeais ?

— Qu’est-ce que tu veux, toi ? grommelé-je, sèchement.

Mon ton est si froid qu’elle ne tarde pas à deviner que je ne suis pas d’humeur. Elle hésite quelques instants, sous mon regard âpre.

— C’était juste pour te dire que je vais chez Chrissy, et euh… Du coup, bah, tu seras seul à la maison. S’il se passe quoi que ce soit, sers-toi du bipeur. Et… voilà, m’informe-t-elle avec de la réticence. Je risque de ne pas rentrer avant demain soir. Il faudrait que tu le dises à ma mère.

Bien que je reste stoïque, je me sens progressivement défaillir dès le moment où mes pupilles s’arrêtent sur sa tenue. Ses iris avaient tellement accaparé mon attention que je n’avais même pas remarqué qu’elle est actuellement vêtue d’une robe noire, simple et moulante, laissant apercevoir ses cuisses dénudées. Hein, est-ce réellement la même Pearl Hopkins qui adore les sweats à capuche et les pyjamas hideux ?

Mon analyse reprend son cours. Naturellement, je ne me gêne pas pour l’observer de haut en bas, en constatant qu’elle porte des talons. Depuis quand elle aime mettre ce genre de chaussure ? En ce qui concerne son visage, le bleu de ses prunelles sont mis en valeur grâce à ses paupières étant légèrement recouvertes d’une poudre marron foncé. D’habitude, elle ne se maquille presque pas ! Ses cheveux, quant à eux, forment des ondulations débraillées, lui apportant un côté rebelle et décontracté. Mais, c’est quoi ce bordel ? Je continue d’examiner les moindres détails de son visage exprimant un certain malaise, ainsi que sa tenue étant vraiment bandante.

Bon, faut s’l’avouer quand même… Clairement, mon pote Chace avait raison : cette fille est carrément baisable.

— Qu’est-ce que tu fous dans ces fringues-là ? demandé-je sèchement, sans le moindre soupçon de délicatesse.

Pearl fronce les sourcils, remet en place la bandoulière de son sac et répond à ma question :

— Qu’est-ce ça peut te faire sérieusement ?

Aussitôt, je grince des dents. Il est vrai que la façon dont elle s’habille n’est pas censée provoquer ma curiosité, alors je n’ai aucun droit de me mêler à ses affaires. Mais, pour le coup, c’est quasiment impossible que je me laisse faire en ce qui concerne la récolte d’informations. Suite à l’écoute non voulue de sa conversation avec trucmuche, je ne peux pas rester en retrait. J’ai profondément besoin de connaître la vérité. L’ignorance m’anéantit. Intégralement. Je n’en peux plus. C’en ait trop.

De toute évidence, Pearl cache un secret. Et je veux le connaître à tout prix. Pourquoi ? Je ne sais pas. C’est un désir spontané, presque inexplicable. De plus, ma conscience me hurle de ne pas baisser ma garde, et de l’empêcher de partir avec l’autre. En effet, je suis jaloux. Et je m’en bats les couilles ! Si je dois séquestrer la chieuse pour arriver à mes fins, dans ce cas, je le ferais – et puis, ce n’est pas comme si je ne l’avais jamais enfermé dans une chambre…

— Pourquoi t’as des missions ? j’interroge si soudainement que Pearl en reste scandalisée.

— C’est quoi le rapport ?

— Répond à ma putain de question, Pearl !

Le ton de ma voix augmente. Si je ne suis pas intransigeant, je suis pratiquement sûr que cette petite manipulatrice va trouver un moyen de détourner le sujet traité. Or, je n’ai pas envie de perdre du temps pour de telles sottises.

— À ton avis ? Sois logique, Maxwell ! s’agace-t-elle en roulant les yeux. En fait, t’es vraiment con.

— Retire ce que tu viens de dire, tout de suite, ordonné-je.

— Hum… nan, ajoute-t-elle d’un air amusé. Je n’ai pas d’ordre à recevoir de toi, Devon.

Ceci détient le don de multiplier les particules de colère se trouvant dans mon être. Elle se fiche ouvertement de ma gueule. Connasse. En plus de savoir que je suis assez acariâtre, elle n’hésite pas à sourire comme une cruche. C’est de la provocation. AHHH ! CETTE FILLE VEUT ME POUSSER À BOUT, BORDEL DE SHIT ! Elle est persuadée d’être immunisée face à mes coups – cela dit, ceci malheureusement vrai – : de ce fait, elle ose utiliser cette exemption à son avantage. Putain. Ce n’est pas raisonnable tout ça. Actuellement, je ne suis pas en position de supériorité. Et ça m’énerve. Genre, vraiment. Je n’y suis absolument pas habitué. C’est… perturbant.

Il faut que je la déstabilise : et sans mes crochets du droit, ça risque d’être plus complexe que prévu. C’est ainsi que s’engage le jeu du regard. Malencontreusement, suite à un mini courant d’air, je cligne des yeux. Oh, merde. J’ai perdu. Ugh. D’habitude, la défaite ne fait pas partie de mon vocabulaire. Et une nouvelle fois, ce sentiment désagréable qu’est la colère s’empare de moi. À cause de Pearl, c’est limite si je pète une crise de mécontentement toutes les deux minutes.

— Tu comptes me fixer bizarrement encore longtemps, ou ça s’passe comment ? fit-elle en demeurant toujours au seuil de la porte de ma chambre.

— Où tu vas ?

— Et tu crois vraiment que je vais te le dire ? Sache que ça ne te concerne pas.

— Pour ta gouverne, si, ça me concerne, dis-je simplement. Je suis ton protégé, alors t’es supposé me protéger en restant avec moi, et pas en allant faire la fête je-ne-sais-où. Que tu le veuilles ou non, t’es chargé à ce que je ne sois pas seul lorsque ta mère n’est pas là. C’est illégal de me laisser…

— Tu te fiches de moi là ?

Je fronce les sourcils en signe d’incompréhension. Et des injures s’échappent de ses lèvres. Elle hésite quelque millième de seconde avec l’intention de déclarer un éventuel discours barbant.

— C’était TON idée de diminuer cette putain de protection, car j’étais constamment présente dans chacun de tes déplacements ! Et maintenant, tu me critiques de négliger ma protection. Mais, qu’est-ce que tu veux à la fin, bon sang ? Je ne suis pas dans ta tête ! Tu ne peux même pas t’imaginer tous les efforts que j’ai faits pour que tu ne crèves pas, alors il est hors de question tu puisses me rappeler mon travail, comme si j’étais incompétente ! Bordel. Tu es un foutu connard, Devon ! Je te…

Et là, rien pour qu’elle ferme son clapet, je prends son visage dans mes mains, et pose mes lèvres sur les siennes. Un silence complet. C’est beaucoup mieux ainsi. Mes paupières sont closes, par conséquent, je ne suis pas en mesure de déchiffrer l’expression faciale de Pearl. Malgré tout, je suis prêt à parier qu’elle est révulsée par mon acte étant assez inattendu. Je presse davantage mon torse contre elle afin qu’une infime distance puisse nous séparer. Pearl tente de se détacher de mon emprise, en vain.

Je demande accès : elle refuse catégoriquement. Je souris amèrement contre ses lèvres humides, avant de l’embrasser à nouveau. Comme la fois dernière : Pearl ne souhaite pas approfondir ce baiser devenant fade. J’ouvre les paupières – tout en gardant mes lèvres contre les siennes. C’est alors que j’aperçois dans ses prunelles un éclat si sauvage et si violent qu’une multitude de crépitements se manifestent dans mon ventre. Une douceur exquise émaillée d’une profonde douleur me torture énergiquement de l’intérieur. Deux aspects totalement contradictoire et paradoxal s’émergent de moi.

Mon âme m’abandonne pendant une durée indéterminée. À présent, je ne contrôle plus mes propres pulsions. Oh, non… Ça recommence. Je reprends mon souffle. Mon regard incandescent scrute chaque détail de son visage. Cette vision provoque l’augmentation en flèche de mon rythme cardiaque. Sur le coup, j’pensais qu’en faisant ça, je pourrais être le maître de la situation. Mais, en réalité, c’est tout bonnement le contraire.

Vous savez… Pendant ces deux jours : je ne voulais pas affronter la réalité. En d’autres termes, je ne voulais pas affronter l’éventualité de m’attacher à quelqu’un. C’est pourquoi je me suis renfermé sur moi-même. Dans un sens, cela ressemble à une certaine forme de lâcheté que j’assume foncièrement. C’est grâce au fait de fuir les choses que j’ai réussi à me préserver de la douleur humaine.

Notre baiser se brise si brutalement que je me perds dans un précipice. Je me ressaisis dès lors où sa voix retentit : elle est ancrée dans mon esprit et se répète sans fin.

— Qu’est-ce que… Je… MAIS, T’ES COMPLÈTEMENT MALADE ! s’écrie-elle en bégayant. C’EST LA DEUXIÈME FOIS QUE TU ME FAIS CE COUP-LÀ, ESPÈCE DE SALOPARD ! Tu vas me le payer. De quel droit tu oses m’embrasser, hein ? Ça s’fait pas ! Tu n’as pas le droit de faire ça ! Si tu crois que…

— Et bla bla bla… T’as fini de crier comme une hystérique à cause d’un petit bisou ?

J’aurais dû mit attendre…. ET VLAAA ! Une violente gifle signée Pearl Hopkins. Ça fait vraiment – vraiment – mal ! Et c’est peu de le dire. Ses yeux s’assombrissent, et elle prend la parole.

— Va te faire foutre, Maxwell.

Et c’est sûr ces mots qu’elle tourne les talons pour s’orienter dans sa chambre. Aussitôt, je franchis un pas sur le seuil de ma porte. C’est à cet instant que je découvre qu’elle est en train de garnir de balles son revolver de calibre neuf. Euhh… Elle pourrait être plus discrète, non ? J’dis ça, j’dis rien. Pearl se tourne vers moi, toujours avec cet air de haine. Visiblement, je l’ai vraiment énervée. Du moins, plus que d’habitude. Sa tronche de fille sage s’est radicalement évaporée. Elle me paraît plus menaçante, et plus… redoutable. Deux adjectifs qui, en temps normal, ne s’allient pas du tout à Pearl.

— Quoi ? Tu veux me tuer ? lâché-je avec désinvolture.

— Ça serait bien, mais non, dit-elle d’une manière irritée. Si Tarek et ses compagnons reviennent, n’hésite pas à tirer sur la gâchette. Par contre, il faut juste que tu ne les tues pas. Sinon, tu risques d’avoir des meurtres sur ta longue liste d’antécédents criminels. Attrape, continue-t-elle en lançant l’arme à feu dans ma direction.

Je prends l’objet de justesse, tandis que des millions de questions se bousculent dans ma tête. Pearl s’empare d’un autre pistolet, et le dépose au fond de son sac. MAIS, C’EST QUOI CE BORDEL ? Certes, je sais que Pearl détient des armes, mais comment se fait-il qu’Elena la laisse les utiliser ? C’est vraiment inconscient de sa part ! Même moi, je sais que ceci n’est pas correct. Ça craint !

Il est clair que je suis sur le cul. Je n’y comprends rien. Elena est pourtant une femme responsable ! Alors, pourquoi ? Peut-être qu’elle n’est au courant de la présence d’une mitraillette, d’un arc, de plusieurs couteaux et d’un truc bizarre d’origine asiatique – un nunchakuku ou, quelque chose dans l’genre– se situant dans la chambre de son gosse.

Quand Mini-Hopkins s’apprête à descendre les escaliers, je l’interpelle :

— Qu’est-ce que t’es, au juste ?

Elle se tourne brièvement, et me lance un regard de la mort.

— Tu n’as qu’à le deviner, couillon, lance-t-elle avant de partir.

Pendant ce temps, je reste là, debout droit comme un piquet, à me zigouiller le cerveau. Bon, si on résume bien : tout d’abord, Pearl détient des missions. Et parmi l’une d’entre elles, se trouve l’ordre de me protéger. Les missions sont données par M. Underwood. Pearl possède énormément d’armes, ainsi qu’un tatouage du numéro vingt-et-un. Elle sait se battre. Et elle a une double facette de sa personne, comme Keegan… Sans compter qu’elle se comporte comme une agente secrète.

Attendez. Minute papillon !

Pearl est une agente secrète. JE RÉPÈTE. Pearl est une agente secrète !