C’est impossible. Cet enculé de tueur ne peut pas être là : dans cet hangar. C’est tellement inconscient de sa part de venir dans cet endroit alors que des tonnes de potentiels témoins oculaires sont présents. Après maintes réflexions, une hypothèse s’offre à moi.

— Tu te fous de ma gueule, là ? demandé-je d’un ton nonchalant tandis qu’Aaron me regarde avec des yeux grands ouverts.

— QUOI ? MAIS NON ! hurle-t-il, visiblement outré par mes précédents propos.

Aaron, étant de nature blagueur, serait capable de me faire une farce en m’annonçant la venue d’un meurtrier dans l’unique but de m’effrayer. Par conséquent, je ne peux pas discerner le vrai du faux. Ugh.

— Je te jure que si tu mens, je t’arrache les couilles ! 

— Bordel Devon ! Je ne mens pas ! Je te jure sur la tombe de ma mère que c’est la vérité, dit-il en faisant preuve d’un sérieux presque renversant. Tu dois t’en aller, je t’en prie ! Il ne doit pas savoir que tu es ici. Alors pars, tant qu’il est encore temps.

Je ne bouge pas, et me contente d’analyser ses paroles. C’est sûr ; Aaron ne ment pas. Jamais il n’oserait mettre en jeu la plénitude de sa mère étant actuellement morte et enterrée, depuis près de six mois. Même pour une blague – qui plus est, de mauvais goût – il ne le ferait pas puisqu’il tient beaucoup trop à la paix éternelle de sa génitrice.

— Comment tu le sais, au juste ? j’interroge en gardant mon calme.

— Tout le monde ne parle que de ça ! Les gens se demandent TOUS si tu vas venir, déclare-t-il.

— Ok, je m’en vais… dis-je avant de regarder en direction de Pearl.

Elle n’est plus là. ARGH ! Fais chier, putain. Où est passée cette fouine de service ? J’ai deux mots à lui dire. Étant donné que mes mises en gardes ne l’ont pas dissuadé de me suivre en pleine nuit, il va falloir que je sois plus concret en utilisant mon arme secrète ; la peur.

— Qu’est qu’il y a ? fit Aaron en fronçant les sourcils. Tu cherches Kendall ?

— Non, dis-je avant de continuer. Bref. À plus, on se voit plus tard ! Au fait, merci pour l’info.

Et c’est là que je m’aventure dans la foule de personne en ignorant les appels d’Aaron. Bon ! Il faut que je trouve la chieuse avant de pouvoir me barrer d’ici. Et plus les minutes passent, plus je me demande si cela est vraiment judicieux de rester dans ce hangar. Tous les regards sont braqués sur moi. D’habitude, j’aime être le centre de l’attention, mais là… J’aurai préféré être invisible comme dans Harry Potter. Bordel, où est cette fille ?

Tu devrais t’en aller, Devon. Sans elle.

Ma conscience diabolique a peut-être raison, en fin de compte.

Quoi ? Tu es carrément cinglé ! Cet endroit est truffé de droguer et de violeurs, tu ne vas tout de même pas…

Mon côté bienveillant apparaît, mais se retrouve soudainement détruit par ma facette malveillante. C’était rapide. Le mal gagne toujours – peut-être pas dans les films, mais en réalité, ça l’est. Après tout, c’est si facile de sombrer dans l’obscurité… Je l’ai fait un nombre incalculable de fois.

Alors que je m’apprête à faire marche arrière, une crinière brune attire mon regard. Ooh, c’est la chieuse ! Bingo. Je m’avance vers elle en remarquant qu’elle n’est pas seule ; en effet, un homme est en train de lui parler. Et en vue du mécontentement de la jeune femme, sa présence semble être désagréable. D’un pas assuré, je marche vers eux constatant que l’homme positionne sensuellement ses mains sous le tee-shirt de Pearl. Étrangement, une vague de colère rugit en moi. C’est sûrement à cause de la musique de merde qui retentit. Ouais, c’est probablement ça. Je ne vois pas d’autre raison plausible. À moins que… Non. Non. Je délire complètement – ou pas.

D’un geste brusque, je saisis le col du vieux pervers afin de lui décrocher un mémorable crochet du droit. C’était magique, croyez-moi ! Je suis tellement fort, wow. Parfois, je me fascine moi-même. C’est étonnant, non ? Ouais, je vous l’accorde, c’est génial.

Comme prévu, il s’effondre par terre suite à ma frappe l’ayant sévèrement amoché. C’est clair que je ne l’ai pas raté ! Déjà qu’il était moche, alors là… C’est encore pire. Une laideur presque invraisemblable. Je n’ai rien vu de tel.

— Dieu merci, tu es là, chuchote Pearl en soufflant profondément.

— Toi et moi, faut qu’on parle. Tu ne vas pas t’en sortir comme ça, si c’est ce que tu veux savoir.

Par la suite, j’empoigne fermement son poignet et on se dirige rapidement vers la sortie. Des conversations à voix basse retentissent. J’ignore. Question d’habitude. Lorsque l’on arrive face à ma moto, Pearl se détache brutalement de mon emprise.

— Ma voiture est garée dans le parking d’à côté, signale-t-elle avec la ferme attention de rejoindre son véhicule.

— On n’a pas le temps ! Ferme-la et pose ton jolie ptit’ cul sur cette putain de moto, crié-je en attirant quelques regards indiscrets.

— Je n’ai pas d’ordre à recevoir de toi, dit-elle en croisant ses bras contre sa poitrine.

Elle a eu l’audace d’utiliser mes propres paroles contre moi… Mais, elle est suicidaire ou quoi ? Je vais l’assassiner, un jour, si ça continue comme ça ! Ce n’est pas possible d’être aussi énervante. Seigneur, pourquoi n’a-t-elle pas cinq ans ? Et puis, pourquoi faut-il que ses yeux soient si bleus… ? Attendez. Je m’égare là.

— Le tueur est ici. Donc, dépêche-toi de venir, informé-je en me plaçant sur le siège de ma moto.

— IL… QUOI ?! TU PLAISANTE, J’ESPÈRE ! s’écrit-elle de stupeur.

— Est-ce que j’ai l’air de plaisanter ? annoncé-je avec lassitude.

— Merde, alors ! s’exclame-t-elle. Tu sais comment il est ?

— Nan, allez dépêche ! Sinon je me casse d’ici et tu te démerdes pour retrouver ton chemin, fis-je en démarrant le moteur de ma moto.

— Oh, ça va, j’arrive ! crache-t-elle en se précipitant vers moi afin de s’installer derrière moi, tandis que je pouvais remarquer au loin, la colère abominable de Kendall. Tu as un casque de sécurité, au moins ?

Elle n’est pas sérieuse, si ? Je me tourne vers elle pour lui faire comprendre à quel point sa question est d’une débilité 
déroutante. Les casques de moto ? Non, merci. Je n’aime pas ça.

— Il est hors de question que… !

Pearl n’eut le temps de rétorquer que je mets en marche ma moto en direction de la route 21, un cri assourdissant retentit. J’aurai du m’y attendre, bruh. Ce n’est pas pour autant que je m’arrête, en fait, c’est plutôt le contraire ; j’accélère davantage la vitesse du véhicule.

— Arrête-toi ! AAAH ! Arrête. Maintenant, ordonne-t-elle. DEVON !

— Accroche-toi, grogné-je, tout en profitant de l’air frais s’abattant sur mon visage parfait. Si tu tombes, ne compte pas sur moi pour te rattraper.

— Va moins vite !

Pearl enroule ses bras de moi provoquant ainsi une chaleur inexplicable. Sa petite tête est plaquée sur mon dos, tandis que son souffle se fait de plus en plus régulier. C’est assez flagrant de voir qu’elle n’est jamais monté sur une moto… Comme je le disais ; Pearl correspond exactement au summum du cliché suprême : la fille sage.

— Merci Devon, marmonne-t-elle doucement. De m’aider.

Aucune réponse. De toute façon, qu’est-ce que je pourrais dire ? Je me concerne sur la route en essayant d’oublier la présence de ses bras sur mon torse. Bon… Je dois admettre que ceci me perturbe. Légèrement, hein ! Les minutes passent, et à un moment donné, on arrive à destination. Pearl se lève de toute allure hors de la moto, et se met à vomir. Je me contente de tenir ses cheveux en évitant de dégueuler à mon tour. Ew.

— Tu aurais pu ralentir ! hurle-t-elle en se redressant, pendant ce temps, je retire les clefs de ma moto pour les enfouir dans ma poche.

— Va falloir que tu t’y habitues.

Elle souffle bruyamment et ouvre la porte. Directement, elle se dirige dans la salle de bains pour vraisemblablement se rincer la bouche. Quelque minutes plus tard, je m’adosse contre le mur à proximité de la pièce d’eau, dans la détermination d’entreprendre une discussion ; à l’égard de son espionnage catastrophique. Sachez que je déteste lorsqu’une personne se mêle à ma vie privée. Or, elle vient de franchir la limite en me suivant. Et malheureusement pour moi, j’entends l’eau de la douche couler.

— Dépêche-toi ! Il faut qu’on discute, dis-je, agacé.

— Bah, vas-y. Qu’est-ce que tu veux me dire ? demande-t-elle avant de dire. Les murs sont fins ici.

— J’préfère être face à face.

— Si tu insistes… Je vais finir de me doucher dans une dizaine de minutes, dit-elle simplement.

Et là, mon regard s’arrête sur sa chambre étant grande ouverte. C’est beaucoup trop tentant, ugh. Je cède à mes pulsions et m’oriente dans la salle qui ne m’était pas accessible, ce matin. La pièce est essentiellement en bleu nuit et blanc. La décoration est pratiquement inexistante. Chaque objet est à sa place, et aucun détritus ne demeure sur le parquet – contrairement à ma chambre. Elle doit probablement être une maniaque ou un truc dans l’genre ; et j’ai encore raison ! C’est le type de critère de la fille sage qui se trouve dans tous les romans nuls et barbants. Mes pas se dirigent vers son bureau ; et c’est là que je remarque un tas de paperasses de toutes sortes. Les magazines sont centrés sur deux principaux sujets, c’est-à-dire, retrouver son père biologique et devenir une adolescente normale. Tandis que plusieurs journaux sont sur moi, et mes nombreuses intercalations avec des fans. Donc, j’en viens à conclure qu’elle a enquêté sur ma personne… Étrangement, je ne suis pas étonné par ça. Après tout, vivre avec un parfait inconnu, sans se renseigner doit être complètement irréfléchi. Oh, en y repensant, moi aussi je devrais faire des recherches sur elle ! Hum… en fait, non. Sa vie ne doit pas être suffisamment trépidante pour ça.

Je feuillette plusieurs pages du journal ayant pour gros titre ; DEVON BAT SA MÈRE DEPUIS SES 16 ANS ! Une vive haine me submerge à la lecture de certains articles à la con. Ces saletés de reporters… ! Ils ne savent rien de moi, strictement RIEN. Ils pensent connaître mes pensées, alors que ce n’est même pas le cas.

Ils ne savent pas qui je suis réellement. Personne ne le sait. Pas même moi… C’est assez compliqué.

— Tu te sentais obligé de fouiller dans mes affaires ? entendis-je soudainement.

Je tourne la tête en voyant qu’il s’agit de Pearl, désormais vêtue d’un horrible pyjama avec des motifs de pizza.

— Je te retourne la question, dis-je en m’éloignant de sa table. Pourquoi tu m’as suivi ?

— Mon rôle est de te protéger, répond-t-elle en s’asseyant sur le rebord de son lit.

— Toi, me protéger ? Laisse-moi rire. Je te rappelle que c’est grâce à moi que tu ne t’es pas fait violer tout à l’heure, lancé-je en riant sarcastiquement. Ta protection de merde, tu peux te la mettre où j’pense. Je sais me défendre ! Ce n’est pas pour rien que je suis le meilleur boxeur du continent. Tu n’es rien compar…

— Et bla bla bla et bla bla bla... Tu n’en as pas marre d’être irrespectueux, sérieusement ? dit-elle en me coupant la parole. Ce n’est pas moi qui ait décidé de te protéger, ok ? Ça fait partie de ma mission de type S !

Instinctivement, elle met une main contre sa bouche. Intéressant, très intéressant même…

— Comment ça, une mission de type S ?

— J’en ai trop dit… ajoute Pearl en s’allongeant dans son lit. Bonne nuit !

Malgré tout, je ne sors pas d’ici. Cette soi-disant mission de type S provoque un flot hallucinant de questions dans ma tête. Cette fille cache quelque chose d’important. C’est certain ; et d’une manière inexplicable, je ressens le besoin de le savoir. Je ne supporte pas d’être dans l’ignorance. Des ronflements presque bestiaux retentissent provenant de Pearl. Quelle mauvaise comédienne, celle-là !

— Je sais que tu ne dormes pas, remarqué-je en roulant des yeux.

Le silence persiste. Je souffle profondément, avant de m’orienter vers le seuil de la pièce. D’un geste lent, j’éteins la lumière et hésite à prendre la parole.

— Au fait, tes foutus journaux disent n’importe quoi, commencé-je simplement. Mes parents sont morts, assassinés, quand j’avais onze ans.

Et c’est sûr ces mots que je ferme la porte derrière moi. Qu’est-ce qu’il m’a pris de dire ça ? Honnêtement, je n’en ai aucune idée. Aussi loin que je m’en souvienne, je ne l’ai dit à personne. Jugeant cela comme étant inutile… Enfin, bon. Peu importe.

Mieux vaudrait-il que je me concentre sur cette énigme demeurant à l’heure actuelle, non-résolu ; qui est réellement Pearl Hopkins ?