Chapitre 1

Bordel de merde. C’est génial.

La boxe me libère de toute cette colère éphémère. Et j’adore ça. Mon esprit demeure serein, à cet instant précis. Plus rien ne compte à part ses sensations qui sont devenues maîtres de moi-même. Je suis le vainqueur de ce combat. De ce fait, un sourire mesquin honore mon visage parfait. Personne ne peut le nier ; je suis le meilleur boxeur de la ville. C’est un fait, une vérité générale.

La foule acclame mon nom, et l’arbitre lève mon bras.

— ET LE GAGNANT EST DEVON ! dit-il.

Le public est surexcité suite à l’entente de cette annonce étant des plus prévisibles. Tous ces gens m’admirent. J’en ai presque oublié comme cela est agréable et plaisant d’être vénéré. C’est comme si j’étais un dieu, ou un truc dans l’genre. Quelques personnes commencent à exercer les premiers soins à mon adversaire – qui plus est, dans un piteux état.

Honnêtement, la vue de son mal-être m’est complètement égale. En fait, je suis plutôt fier de l’avoir battu à plate couture. Ce match a été mémorable, croyez-moi. Bien qu’il fût d’une facilité renversante, pour ma part, je suis légèrement fatigué. Par conséquent, je jette mes gants de boxe dans la foule, et m’oriente en grande enjambées vers l’extérieur du hangar ; là où je pourrais fumer tranquillement une clope.

— Hé, Devon ! crie une voix féminine.

Je me retourne à contrecœur, quand tout à coup, des lèvres s’agrippent soudainement aux miennes. C’est Kendall, ma petite-amie. Enfin, je crois que c’est elle. Je me décale laconiquement en découvrant que mon hypothèse est vraie. Ouais, c’est Kendall. Et franchement, j’aurai préféré que ça soit quelqu’un d’autre. Ne me demandez pas pourquoi ; j’en ai aucune idée. Cette fille commence sérieusement à me faire chier avec ses exigences à la con. Il va falloir que je la quitte avant de devoir lui acheter un cadeau d’anniversaire, ça me fera gagner du temps et de l’argent. Tout simplement. Oui, je suis un connard. Mais, bon. Tout le monde le sait.

— Tu as été super, glousse-t-elle.

— Ouais, je sais.

Je ne suis pas prétentieux, si c’est ce que vous pensez ! Enfin… peut-être un peu, je dois l’avouer. Mais en même temps, lorsque l’on a une apparence physique et des capacités sportives comme les miennes : il est normal d’être ainsi.

Et là, sans étonnement, Kendall m’embrasse avec fougue et ardeur. Nos bouches sont scellées, et nos langues s’entremêlent sans aucune délicatesse. Au bout d’un moment, ça en devient barbant. Donc, je brise ce contact en éloignant ses épaules avec mes mains.

— Au fait, il faut que je te dise quelque chose ! affirme-t-elle en prenant son souffle. Et c’est très important.

En temps normal, Kendall ne fait jamais preuve de sérieux. Pourtant, sa tête, semblable à du beurre, exprime une humeur maussade. C’est assez perturbant venant d’elle.

— C’est pas comme si quelqu’un était mort ! Arrête de faire cette tronche, dis-je en soupirant.

— En fait, si. C’est le cas. Dean et Roy sont morts, annonce-t-elle avec une pointe de tristesse.

— QUOI ?!

La connaissant, Kendall ne ment pas. De ce fait, je me mets rapidement à l’idée que Dean et Roy sont réellement décédés. A la place de me morfondre, je me concentre sur une question qui me tourmente ; comment ? Ce sont des boxeurs tout comme moi, et ils savent parfaitement se battre. Alors, je doute que cela soit dû à un règlement de comptes.

Peut-être un accident de voiture, qui sait ? J’en sais rien. Un soupir s’échappe de mes lèvres entrouvertes. Même si je les connaissais personnellement, leurs morts ne me provoquent pas vraiment d’impact émotionnel. En fait, ça m’est presque insignifiant. Aucune joie, aucune tristesse. Rien, nada. Je ressens un simple vide à l’entente de leur départ pour un monde meilleur. Et à vrai dire, tout ce qui m’intéresse c’est de savoir qui est derrière tout ça… Je m’explique.

Sept boxeurs sont morts ce mois-ci. Et je ne pense pas que c’est une coïncidence.

— Ils ont été assassinés, ça a été confirmé par la police… déclare-elle doucement.

Ça peut sembler égoïste, mais la seule chose qui accapare mes pensées est l’éventualité d’être la prochaine cible de ce tueur en série.

— Putain… lâché-je.

Kendall entoure ses bras autour de moi pour me faire une étreinte amoureuse, cependant, je la repousse. Elle sait pertinemment que je déteste ce type de marque d’affection. En clair, je ne supporte pas les câlins ; ça ne sert à rien. Je n’ai pas besoin de ça pour me calmer. Et elle en est consciente.

— Je… commence-t-elle, toutefois, je la devance.

— Dégage.

— Je suis désolé, Devon… poursuit-t-elle, dans l’espoir d’apaiser mon agacement – en vain.

Sa tentative désespérante ne fait qu’amplifier davantage ma colère naissante. Je sais que c’est absurde de me mettre dans cet état juste parce qu’elle a voulu montrer son attachement pour moi, mais je ne peux pas m’en empêcher. Je hais ça. C’est tout.

Je me casse d’ici en montant sur ma moto, sous les regards suppliants de Kendall. Je l’ignore. Question d’habitude. Le moteur grogne, tandis que la vitesse à laquelle je m’aventure sur les routes d’Atlanta est plus que malsaine. Mais ça, je m’en fiche. La possibilité d’avoir un accident ne me traverse même pas l’esprit. Un vent glacial s’abat sur moi pendant que je m’oriente en direction de la maison de ma tante, Thalia. Cette dernière sera certainement en train de m’attendre, tasse de thé en main, avec le regard de la mort activé. Elle va me faire la morale avant de me questionner sur mes escapades nocturnes. Décidément, Thalia est tellement prévisible…

Arrivé à destination, je me gare dans l’allée de la demeure. Les rayons de lumière traversant la fenêtre laissent à deviner que ma tante est toujours éveillée, malgré l’heure tardiveMes pas sont d’une lenteur époustouflante. Je suis déjà ennuyé par les futures paroles moralisatrices de Thalia à mon insu. C’est toujours le même rituel.

D’un geste brusque, j’abaisse la poignée de la porte d’entrée pour pouvoir franchir un pas sur le seuil de la baraque. Tous les éclairages sont allumés ; que ce soit dans le salon ou dans la cuisine. Par simple intuition, je m’avance dans la salle à manger.

C’est alors que je la vois. Thalia est là, vêtue d’une robe de chambre fleurie, et d’une paire de pantoufles hideuses. Comme prévue, elle tient fermement une tasse de thé. Mais cette fois-ci, elle ne me regarde pas méchamment. Et puis, elle n’est pas seule. Une femme est assise à ses côtés ; d’après sa tenue assez formelle, je devine facilement que c’est une policière. Notamment, car elle est munie d’un revolver de calibre neuf. Bordel. Qu’est-ce qu’une flic fout dans cette maison ?

— Devon, tu devrais t’asseoir, propose gentiment Thalia.

— Qu’est-ce qu’elle fiche ici à cette heure-ci ?

— Écoute ta tante, Devon, rétorque l’officière de police.

Mais, de quoi elle se mêle cette pétasse ? Nan, mais j’hallucine.

— Je n’ai pas d’ordre à recevoir de vous, riposté-je en gardant un ton autoritaire.

Suite à ces mots, j’entreprends quelques pas vers elles. Intrigué et à la fois curieux de la présence d’un poulet dans cette piaule. Mes sourcils sont froncés afin de montrer mon incompréhension face à la situation.

— Sache que nous faisons ça pour ton bien. Tu dois me faire confiance, Devon. Mon but est de te protéger. Or, je ne serais plus en mesure de le faire désormais… Le danger est trop grand, tu comprends ? C’est tout aussi difficile pour moi, et… dit ma tante tandis que je peux discerner des sanglots dans sa voix.

— Viens-en au fait.

Elle s’arrête soudainement et hésite quelques secondes. C’est comme si le fait de parler lui était interdit. Le silence envahit la pièce. Thalia éclaircit sa gorge, avant de dire calmement :

— À partir d’aujourd’hui, tu vas habiter avec la lieutenante Hopkins dans le cadre du programme de protection des témoins.