002 ❄ Cupidon
Dans sa vie, Billie Portgas n’a jamais eu beaucoup de chance. En fait, elle a toujours été nulle dans tout ce qu’elle entreprend. C’est triste, mais vrai.
Globalement, sa vie est un échec.
Sa seule réussite a été de réunir trente-huit âmes sœurs, au cours de ses cinq dernières années. Chaque couple qu’elle a formé est solide et inséparable. Billie a été irréprochable sur ce coup-là.
Paradoxalement, cette fausse blonde est plus seule qu’un poisson rouge dans les toilettes.
Elle n’a jamais eu de copains – jamais. Pourtant, sa meilleure amie, Vanilla, a toujours essayé d’y remédier, mais les résultats sont catastrophiques.
Billie Portgas n’est pas conditionnée à aimer les gens.
Elle est faite pour jouer les Cupidons et confectionner de délicieuses pâtisseries que personne n’achète, hormis son parrain.
Alors, quand elle a été élue par Zhai Raylend pour devenir un des trois Cupidons, ça a été une véritable bénédiction. Il est important de savoir qu’un Cupidon chez les Raylend, ce n’est pas un bébé avec des fesses à l’air et des flèches en forme de cœur – non, c’est bien différent.
Il s’agit d’un statut.
Choisis par un algorithme, les Cupidons sont chargés de dégoter la personne qui remportera le concours. S’ils réussissent, ils obtiennent un chèque d’un million de dollars dans les plus brefs délais. Leur objectif est donc d’accélérer les choses, car Zhai n’est plus en mesure d’attendre.
Sa maladie le ronge de plus en plus, et il ne peut pas faire autrement.
Bien entendu, Atlas sait que son grand-père souffre et qu’il est prêt à tout pour son bonheur : c’est pour cela que, plusieurs fois, il se force à rire. Mais, cela n’a aucune valeur aux yeux de Zhai. Son grand-père ne veut pas un rire triste. Il veut un rire sincère. Un rire qui lui dira que ça y est… Atlas est heureux.
En soi, ce concours n’est pas si facile et anodin. Il est plus difficile qu’on pourrait le croire. Et il suffit de voir le nombre de participants qui ont échoué pour en être persuadés.
Billie, comme toutes les personnes de la ville de Ravenstein, a déjà tenté sa chance. Son entretien avec Atlas a duré exactement deux minutes et vingt six-secondes. Ce fut court, mais suffisamment long pour instaurer le plus grand malaise de tous les temps. Même le loup d’Atlas était gêné.
Billie avait tenté une blague. Une seule. Mais, elle était clairement de trop.
De ce fait, elle ne peut plus remporter la fameuse récompense fixée par Zhai.
Dans ce concours, chaque rejet est irréversible : tous les perdants sont classés dans une liste noire. En théorie, aucun d’eux n’a le droit d’approcher Atlas, à l’exception des Cupidons et des employés.
Près de cinq cents personnes ont déjà tenté leur chance. Et, seulement un a failli gagner. Il s’appelait Vhaal Nickolson, prince des îles Verzel et héritier du trône. C’était un garçon drôle et adorable.
Mais, les révolutionnaires n’étaient pas de cet avis…
Kaios n’était pas de cet avis.
Durant une nuit d’automne, Vhaal s’est fait trancher la gorge par un garde infiltré, sous les yeux de sa jumelle. Il est mort, dans le salon familial, noyé dans son propre sang. Les policiers ne sont jamais parvenus à retrouver l’assassin. Pourtant, avec quelques recherches plus approfondies, ils auraient pu trouver son identité :
Noah Portgas,
23 ans,
68kg pour 1m84,
tueur en série.
― S’il vous plait. Répondez à mes questions. Et pour l’amour de Dieu, détendez-vous ! Nous voulons seulement des réponses, déclare une jeune policière prénommée Helysa.
Néanmoins, rien n’y fait. Billie est en panique. Son cœur bat anormalement vite. Il suffirait d’un mouvement brusque pour qu’elle fasse une crise. Autant vous dire que cette fille est une peureuse – peut-être que c’est une affaire de famille puisque ses parents le sont également.
Même en étant majeure et vaccinée, Billie ne sort jamais le pied de sa couverture. Elle a encore peur du monstre imaginaire sous son lit.
― Helysa, dégage ! crache un gars avec les bras armés d’une mitraillette. Tu foires vraiment tout. Laisse-moi faire. Je suis largement plus efficace que toi.
L’altercation entre les deux individus rend Billie très mal à l’aise. Elle n’est pas une grande adepte des disputes. Depuis qu’elle est petite, cette dernière a toujours fait en sorte de fuir les ennuis comme la peste. Et, ça a marché. Dès qu’un garçon lui avouait ses sentiments, elle courrait. Littéralement.
― Posez-moi vos questions. Je suis prête, sourit Billie en tripotant nerveusement ses doigts.
― Très bien, lance Helysa en balançant un regard moqueur à son coéquipier. Alors, déjà, on va commencer doucement. Où étiez-vous à 21:51 ?
― Dans le couloir de l’hôtel, répond-elle.
― Que faisiez-vous ?
Billie est troublée, car ses souvenirs ne sont pas totalement nets. La policière répète donc sa question pour que la communication ne soit pas interrompue. Le coéquipier pouffe de rire puis s’en va en tapotant la tête de la policière.
― Je vous écoute, Mlle Portgas. Racontez-moi avec le plus de détails possible.
― J’étais… euh… dans l’ascenseur à ce moment-là. Ça s’est passé très vite. Des hommes sont apparus comme ça, sans que les portes s’ouvrent. Je ne les ai même pas entendus, c’était vraiment bizarre… Je pouvais seulement voir leurs yeux, se précipite Billie en se remémorant la scène. Quand les portes métalliques se sont ouvertes, ils sont partis et un gaz plainait dans l’atmosphère.
― Combien étaient-ils ? demande Helysa en notant les moindres détails.
― Trois, peut-être quatre.
Helysa fronce les sourcils. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Elle part s’isoler avec son supérieur pour se mettre d’accord sur un point : tout ceci est étrange. Les révolutionnaires ne laissent généralement aucun témoin derrière eux. Ils sont toujours très propres après leur massacre. Alors que les deux policiers continuent de partager leurs hypothèses, Billie se met à stresser davantage.
Il y a un détail que la blonde n’a pas précisé. Un détail plus ou moins important, car avant de partir définitivement, un des révolutionnaires a chuchoté les mots suivants :
« Reviens après, Billie. Il ne faut pas que tu voies ça. »
Ils savaient déjà son prénom, alors qu’elle n’avait rien dit.