CHAPITRE 38
C’est peut-être une mauvaise idée de faire ça : mais honnêtement, je m’en fiche. Un besoin quasi viscéral me pousse à le faire, et d’une manière ou d’une autre, je ne peux pas lutter. Cette ignorance-là ne peut pas continuer. Il me faut des réponses, et pour ça, je dois lui rendre visite : à Dwayne, le tueur.
Alors, c’est avec une détermination déconcertante que je me rends en taule, en compagnie de Pearl, pour mettre les choses au clair.
Je veux savoir des tonnes de choses que seulement cet enfoiré sait.
Bon, j’dois avouer que ça me fait vraiment chier de voir sa sale tronche, mais voilà : c’était soit ça, soit je persiste à demeurer dépourvu de réponses pour le restant de mes jours.
Le choix a été plutôt rapide.
Quand il me voit, son visage se décompose. Bien entendu, il n’est pas spécialement ravi que je lui rende visite – après tout, ce connard a voulu m’assassiner.
Je m’assois, sourire aux lèvres, tandis qu’il me fixe avec étonnement. Mon regard converge sur sa tenue – qui plus est, hideuse : et je ne peux pas m’empêcher de m’en moquer. Évidemment, il se rend rapidement compte que je me fous de sa gueule. De ce fait, il saisit immédiatement le combiné.
— Quoi ? Qu’est-c’qui te faire rire ? s’exclame-t-il, et aussitôt, tous les regards se posent sur nous.
— Bah, toi, lui dis-je comme si cela sonne comme une évidence. T’es tellement moche, gars, continué-je au tac au tac.
— Hein ? lâche-t-il en écarquillant les yeux. (Lorsqu’il réalise véritablement la méchanceté de mes paroles, il se lève brusquement de son siège, manifestement en rogne.) Espèce d’enfoiré ! Qu’est-c’que tu viens faire ici ?
Son accès de colère m’amuse. Tant d’énervement pour si peu. Il est ridicule !
Si ma lecture sur les lèvres n’est pas défaillante, un policier vient de lui ordonner de rester calme, et Dwayne a décrété que je le provoquais ouvertement. Forcément, l’agent de sécurité s’en fiche.
Entre un beau-gosse et un détenu laid : naturellement, le flic est dans mon camp.
— D’abord, assis-toi, rétorqué-je en reprenant mon sérieux.
Dwayne roule des yeux, grogne doucement, et finit par s’installer sur son siège.
Il pose ses coudes sur la table, et impatiemment, il commence à dire :
— Bon, aller. Crache le morceau. Pourquoi t’es là ?
Je me replace correctement sur ma chaise et observe longuement Dwayne, et j’en viens à la conclusion qu’il est encore plus moche que lors du procès.
Des cernes bleutés se sont formés en bas de ses yeux ambre, signe de fatigue, et ses cheveux noir jais sont en désordre.
De plus, il me paraît fébrile à cause de son teint anormalement blafard, ainsi que déshydrater. Ses lèvres sont gercées, pâles et horribles.
De toute évidence, son état n’est pas des plus glorieux. Et franchement, ça me rassure. Il mérite amplement d’être comme ça après ce qu’il a fait à Roy, Dean et surtout, Ashton.
— Je veux des réponses.
— Et tu penses vraiment que je vais te les donner ? lance-t-il, outré par ma demande. Dois-je te rappeler qu’à cause de ton putain d’ami, je vais devoir pourrir en prison ?
Presque immédiatement, je fronce les sourcils pour montrer mon incompréhension. Intéressant, très intéressant même…
— Mon ami ? répété-je, et il soupire bruyamment.
— Ouais. Dark, le combattant à la con ! Au départ, je pensais que vous étiez concurrents ou un truc dans l’genre, alors j’avais décidé de collaborer avec lui.
— Attends, quoi ? fis-je, avec confusion. Zackary ?
— Je m’en fous de ce nom ! Ce bâtard m’a fait des coups bas. Et je n’y ai vu que du feu, grogne Dwayne. Il avait réussi à changer la composition de mes flèches pour qu’elles aient seulement un effet narcotique !
— Et la flèche noire ?
— Je ne suis pas dupe. Dès que j’ai su que tu n’étais pas mort à cause de la flèche verte, j’ai directement fait le lien avec lui. Du coup, j’ai arrêté de prendre contact avec lui… m’explique-t-il en tapant frénétiquement sur la table pour contrôler son impulsivité. Mais, il se trouve que cet enfoiré m’a trouvé. Et m’a dénoncé aux flics.
Je recule légèrement, surpris par toutes ces révélations étant plus ou moins inattendues : toutefois, une part de moi était persuadée que quelqu’un était derrière tout ça, et que la police n’avait pas entièrement contribué à l’arrestation de Dwayne.
Malgré notre relation tumultueuse, Zackary est resté fidèle à lui-même. Il ne m’a pas trahi. Bien au contraire.
Il m’a sauvé la vie. Et pour ça, je lui en suis sincèrement reconnaissant.
— Où est-ce qu’il est ? demandé-je en faisant référence à Dark.
Dwayne contracte fermement sa mâchoire, visiblement agacé du fait que l’on parle de Zack.
— Je n’en sais rien ! Peut-être qu’il a quitté la ville, ou qu’il est encore à Atlanta, ça m’est complètement égal ! hurle-t-il à travers le combiné. Crois-moi, si j’arrive à me casser de ce trou, Dark et toi, vous êtes des hommes morts !
Bah, voyons ! C’est sûr que si un jour, il se trouve face à nous, Dwayne ne reverra plus jamais la lumière du jour.
Contrairement à lui, Zack et moi sommes des spécialistes en ce qui concerne le combat : alors sa défaite est déjà prévue d’avance.
Alors, autant dire que cet enfoiré est nettement plus en sécurité derrière les barreaux qu’à l’extérieur !
Si jamais j’apprends que ce salaud est en droit de sortir, dans ce cas, c’est simple, je l’attendrais patiemment devant l’entrée…
— Évite de me menacer, Steve, déclaré-je en faisant exprès de me tromper en prononçant son nom. (Assurément, il s’énerve davantage. Et aussitôt, le garde commence à le menacer en désignant silencieusement son taser. Dwayne se ressaisit instantanément. ) Qu’est-ce t’as dit Dark ? continué-je à dire.
Connaissant Zack, je suis certain qu’avant de partir, il a prononcé des paroles qui me sont adressées.
Ça me semble logique.
Il a toujours aimé faire des indirectes : c’est sa touche originale : sa marque de fabrique.
Dwayne souffle bruyamment en prenant un long temps de pause, sous mon regard transcendant.
Il hésite. Et c’est seulement au bout de plusieurs minutes qu’il se décide à prendre la parole :
— Si je te le dis, promets-moi de ne plus remettre les pieds ici et de me laisser tranquille. Je n’ai pas envie de revoir ta tête, une fois de plus, lâche-t-il en remettant ses coudes sur la table.
— Tu as ma parole, répondis-je simplement. De toute façon, moi non plus je ne veux plus revoir ta sale tête.
Il canalise sa colère en serrant brutalement ses poings. Pendant ce temps, je souris radieusement en guise de provocation.
— Dark m’a dit que tu n’as pas à le chercher. Et que tu dois protéger celle que tu aimes, peu importe ce qu’il se passe, tu dois le faire. Ensuite, il a chuchoté un simple merci, avant de disparaître de l’entrepôt dans lequel nous étions.
J’acquiesce mollement de la tête, encore troublé par tout ça, et me lève de mon siège. Finalement, je pose le téléphone, et sans un mot, je m’en vais.
Dwayne ne comprend pas ma réaction, mais ce n’est qu’un impertinent détail. Un flic me guide jusqu’à la sortir, et c’est quand je me retrouve dans le parking que je découvre Pearl.
Cette dernière ne voulait pas être confrontée à Dwayne : c’est pour cette raison qu’elle est restée dans ma voiture.
Dès lors où elle me voit, son visage scintille, et elle sort de la bagnole.
— Alors ? m’interroge-t-elle, intriguée par mon comportement.
— C’était Dark… C’était Dark qui m’a sauvé la vie.
— Tu veux dire... le combattant ?
— Ouais. Tu l’avais battu, tu t’en souviens ? lui dis-je et elle roule les yeux en voyant mon amusement.
Alors que je commence à raconter toute l’histoire, on décide de monter dans le véhicule pour rejoindre l’Agence afin que je puisse procéder à mon inscription…
OUI ! Vous ne rêvez pas. Je vais tenter d’être agent secret. Délirant, n’est-ce pas ? Totalement. Je vous l’accorde.
Pearl avait durement insisté pour mes capacités physiques bénéficient à des fins honnêtes et respectables : du coup, elle a voulu que j’intègre sa propre Agence pour que je puisse avoir non seulement un revenu, mais également un métier convenable. Et puisque ma seule source de gain s’est fait consumer par les flammes, je n’ai pas vraiment eu le choix !
— STOP ! Arrête-toi, crie Pearl.
Je freine brusquement au beau milieu de la route, et me tourne vers elle : celle-ci est en train de fouiller dans son sac.
— J’ai oublié ma carte ! Sans ça, on ne peut pas entrer à l’intérieur du secteur, confesse-t-elle et je souffle profondément. Allez hop ! Direction la maison, ça ne prendra que quelque minutes !
— T’as intérêt à te dépêcher ! fulminé-je en faisant un coup de volant.
— Oui, chef ! rie-elle, et à contrecœur, je me mets à rire à mon tour.
Lorsque je me gare dans l’allée, Pearl descend de la voiture, et ensemble, on se dirige vers le seuil de la demeure. Dès l’instant où je m’apprête à abaisser la poignée de la porte, une main m’en empêche. J’arque un sourcil :
— Qu’est-c’qu’il y a ?
— Hum… Il faut que je te dise quelque chose, révèle-t-elle en souriant nerveusement.
Uh, oh. Ça ne présage rien de bon ! Je n’eus pas le temps de rétorquer que la porte d’entrée s’ouvre laissant découvrir Elena, Klaus et un mec que je ne connais pas.
C’est qui, lui ?
Je me tourne immédiatement vers Mini-Hopkins – elle se gratte la tête et sourit bêtement. Elle sait très bien que je compte lui poser un certain nombre de questions.
— Bon, bah… Je vais chercher ma carte ! s’empresse-t-elle de dire avant de courir à l’étage.
Le blond – que je déteste déjà – n’hésite pas à la reluquer, et sans me rendre compte, mes poings se sont contractés.
S’il refait ça : je vais accomplir un meurtre. Vous êtes partant(e)s pour le faire avec moi ? Ça sera un travail de groupe. Vite fait et bien fait !
— Devon ! Tu n’étais pas censé faire tes tests d’entrée ? me questionne Elena lorsque je rentre à l’intérieur de la résidence.
— Qu’est-ce qu’il fout ici ? grommelé-je en désignant vulgairement l’autre gars.
— Oh, je te présente Jackson. Il est ici suite à un programme de protection de témoins… déclare Elena avant de reprendre. C’est un délinquant habitué des postes de police, tout comme toi.
Je suis outré, révulsé, scandalisé.
— Alors, vous me remplacez ? Avec ce truc ? gueulé-je en continuant à désigner le blond.
— Hé, mec. Tu te prends pour qui ?
Oh, mais il parle en plus ! Je m’avance dangereusement vers lui, et instinctivement, il recule d’un pas.
Klaus était sur le point de me stopper, cependant, Elena le tire par le bras afin qu’il ne soit pas en mesure de me retenir.
— On ne devrait pas essayer de les bloquer ? chuchote M. Hopkins en s’adressant à sa femme.
— Inutile. Laisse-les régler leurs problèmes…
— Très bien. Dans ce cas, on va boire du thé ?
— Ça marche ! Par contre, c’est moi qui prends la tasse avec des motifs rouges ! ajoute Elena.
Et sans plus tarder, les deux tourtereaux s’en vont, en me laissant seul avec le blondinet. Décidément, ils sont irrécupérables.
Pearl a beaucoup de chance de les avoir. D’ailleurs, depuis que son père est de retour, la relation dont elle entreprend avec sa mère s’est largement améliorée.
Enfin, bref. Concentrons-nous sur Jack – ou qu’importe son nom !
— Que l’on mette les choses au clair, toi et moi… Si tu oses toucher, ne serait-ce, qu’une seule fois à Pearl, je te défonce à coup de machette. Est-ce tu as bien compris ? dis-je.
Il se contente simplement de rouler des yeux en signe de lassitude.
C’est pourquoi, sans aucun remords, je balance mon pied contre ses parties intimes. Évidemment, il se tord de douleur et commence à gémir doucement. Quel faible ! Et dire qu’il va reprendre ma place. Pathétique. Je le tire par le col, plante mes yeux dans les siens, et ajoute :
— Ne t’avise surtout pas à jouer les malins avec moi. Je ne suis pas ton pote, alors je t’ordonne de baisser les yeux quand j’te cause.
Abasourdi, il grogne :
— Mais, t’es qui pour me frapper comme ça ?
— C’est simple. Je suis Devon Maxwell, dis-je spontanément. Le seul et unique petit-ami de Pearl. Alors, entre bien ça dans ta putain de cervelle.
— Attends. Tu ne serais pas le connard boxeur dont tout le monde parle ?
— Ouais.
ET VLAA ! Un coup de poing sur la joue et dans l’abdomen : et rapidement, il s’effondre sur ses genoux.
Au moins, comme ça, je suis sûr que cette mise en garde portera ces fruits !
Quelques instants après, Pearl descend en bondissant fièrement sa carte noire. Je me dirige vers la porte, au même moment où elle dévisage Jackson.
— Pas mal ton crochet du droit, complimente-t-elle et je souris en posant mon bras autour de son épaule.
Par la suite, on sort de la baraque, sous les encouragements de Klaus et Elena, afin de s’orienter dans la voiture… Et c’est parti pour l’Agence !
Je démarre le moteur, et pour la énième fois, je m’engage dans les routes d’Atlanta. Un sentiment agréable se propage dans chaque parcelle de ma peau.
C’est une nouvelle page qui s’ouvre en même temps que le retentissement d’une mélodie provenant de la radio – ce son provoque l’attitude hystérique de Pearl.
— Doux bouddha ! J’adore cette musique ! s’écrie-t-elle, avec un sourire accroché aux lèvres.
Dorénavant, la route s’étend à perte de vue. Et le panorama est sensationnel.
Dès le moment où je me rends pleinement compte que je vais aller de l’avant, en ne me souciant pas de cette lutte constante qu’offre la vie : un sourire honore mon visage.
Pour la première fois, je laisse mes lointains souvenirs dans un gouffre sans fin. Et je me sens bien – véritablement bien.
À présent, je ne suis plus l’ombre de mon passé. Tout ça, grâce à elle.