CHAPITRE 32
Honnêtement, je pensais que ce jour n’allait jamais arriver : et que, ma vie au sein de la famille Hopkins serait définitif.
Au fond, rester dans cet baraque ne me dérangeait pas tant que ça. En fait, cela me réjoussait – puisque clairement, j’aime vivre avec elles.
En l’espace de quelques mois, Elena et Pearl ont su s’immiscer dans mon quotidien tumultueux, sans que je m’en rende compte. Et maintenant que je découvre véritablement leur importance dans ma vie, je m’étonne presque de m’être autant attaché à des personnes qui m’étaient autrefois inconnues.
Des souvenirs de mon arrivée refont surface, provoquant ainsi l’apparition d’un sentiment de nostalgie.
Même si je suis content de vivre à nouveau avec Thalia, je ne peux pas m’empêcher d’être morose à l’entente de mon retour dans mon ancienne demeure…
Nous étions là. Pearl, Elena et moi. Autour de la table. Avec des réactions proches du vide absolu.
À vrai dire, je ne sais pas vraiment comment réagir. Dois-je ressentir de la joie, de la tristesse vis-à-vis de mon départ ou de l’impatience à l’idée de découvrir la face de mon putain d’assassin ? Je n’en sais rien.
Tout se bouscule. Je ne sais plus où en donner de la tête. Et ça m’exaspère. Beaucoup.
— Étant donné que tous les indices mènent à lui et qu’il a avoué… L’enquête n’est plus d’actualité. Tu vas devoir témoigner à son procès se déroulant en fin de semaine, et après, le programme de protection de témoins s’achèvera… Tu pourras retourner chez ta tante.
— Oh, je vois… dis-je doucement en me levant de ma chaise.
J’enlève la serviette sur mes épaules, et aussitôt, je passe ma main dans mes cheveux étant légèrement humides. Putain, je n’arrive toujours pas à y croire.
La police a réussi.
Et ce, sans que j’aie besoin de leur venir en aide.
Je souffle profondément, sous le regard attentif de Pearl. Depuis l’annonce, elle n’a pas cessé de me regarder avec cette étincelle. Ce n’est pas de la gaieté, non. C’est bien différent. Je dirais que ça ressemble à de la peine combinée à de la désespérance.
À cet instant, elle doit sûrement se dire que je vais partir pour toujours. Car, après tout, c’est ce que je suis supposé faire depuis le début.
Cependant, quand je conçois tout ce qu’il se passe : une chose m’interpelle. Je ne peux pas renoncer à Pearl. Jamais. Et c’est en me remémorant mon ancienne vie que je réalise ça. Concrètement, sans elle, je ne suis que l’ombre de moi-même. Ce jeune délinquant accro à la boxe et au danger qui s’en suive, complètement ingrat et narcissique, et surtout, au tempérament digne d’un pur connard.
Lorsque je suis près d’elle, je n’ai pas l’impression d’être un simple boxeur prétentieux et superficiel. Mais seulement, moi, Devon Maxwell. Un mec indécis à la recherche d’un minimum de bon sens.
Je soutiens son regard, et au passage, tente de sourire brièvement pour la rassurer. J’aurai envie de lui dire que tout va bien se passer, que je serais toujours là, qu’elle n’a pas à s’en faire et que ce programme m’est totalement égal, car je continuerais à venir chez elle. Toutefois, aucun son ne sort de ma bouche. Je me contente de l’observer avec une certaine forme de bienveillance.
— Hum, Devon, est-ce qu’on pourrait se parler en privé ? Il faut que je te dise quelque chose d’autre, me dit Elena en s’orientant vers moi.
— Qu’est-ce que c’est ? demande Pearl, presque immédiatement.
— C’est rien. Tu n’as rien à craindre. C’est seulement des formalités qui sont réservées à Devon, fit Elena et sa fille se contente d’acquiescer vigoureusement de la tête.
Suite à ses mots, on s’oriente dans la cuisine, et la lieutenante Hopkins prend soin de fermer correctement la porte. Je m’assois sur une chaise, soupire bruyamment, et contracte inlassablement ma mâchoire. Afin d’atténuer mon état d’anxiété extrême, du bout des doigts, je pianote contre la table face à moi, tandis qu’Elena s’avance à mon égard.
— C’est quoi tous ces regards douteux avec Pearl, hein ? m’interroge-t-elle à voix basse pour que je sois le seul à être apte à l’entendre.
— T’es sérieuse, là ?
— Shht ! dit-elle brutalement en plaçant son index sur ses lèvres. Elle va nous entendre !
— J’en ai rien à foutre. Si elle découvre que tu joues les fouineuses, alors tant mieux. Ça ne me concerne pas, lâché-je en dissimulant mon soulagement en découvrant qu’elle ne comptait pas dire des trucs particulièrement graves.
— Toi alors… grogne-t-elle avant de reprendre la parole. Réponds à ma question ! Qu’est-ce qu’il s’est passé entre vous ?
— Ce ne sont pas tes affaires.
Évidemment, quand elle voit mon manque considérable de politesse et mes actes volontaires de désinvoltures, Elena frappe contre la table et me fixe avec énervement. Croyez-le ou non, si un regard pouvait tuer, à l’heure actuelle, je serais déjà six pieds sous terre !
Elle m’observe d’une manière si menaçante que mon sang se glace pendant un millième de seconde. Pas mal comme technique de corruption ! Je suis presque effrayé.
— J’espère que ce n’est pas toi qui as tout foiré, parce que là… commence-t-elle en soupirant.
D’un revers de la main, elle balance ses mèches de cheveux à l’arrière et détourne ses pas pour s’orienter vers l’un des placards.
D’un geste assuré et rapide, elle saisit une bouteille de vin dissimulée derrière un tas de cochonneries sucrées. Alors que la confusion me submerge progressivement, Elena se sert un verre et bois le liquide d’une traite. C’est bel et bien la première fois que je la vois consommer de l’alcool sous mes yeux… Quel merveilleux exemple, vous ne trouvez pas ?
— Qu’est-ce que t’insinues, au juste ? la questionné-je quand elle s’assoit sur le comptoir avec son verre à moitié vide entre les mains.
— Mais, t’es aveugle ou quoi ? C’est évident qu’entre Pearl et toi, ça ne va pas. Elle était vraiment mal pendant mes explications, ça en crève les yeux. Et toi, j’ai l’impression que tu ne vois strictement rien ! me réprimande-t-elle.
Je suis outré, scandalisé, révulsé… Non, mais vous l’entendez ? Elle ose me critique sur mon impassibilité envers le mal-être de Pearl, alors qu’au fond, elle est pire que moi. Ça en est quasiment éreintant, sérieusement. Moi, au moins, je fais de mon mieux pour comprendre Pearl.
Et elle, bah c’est simple, j’ai la sensation qu’elle s’en fout. Certes, j’aime beaucoup Elena, mais là, pour me blâmer de la sorte, je ne peux clairement pas l’accepter.
Pearl a trop souffert de l’ignorance de sa mère. Il faut que ça cesse… Cette bouffée de maturité me donne envie de déballer à voix haute tout ce qu’il se déroule dans ma tête : et surtout, de voir l’état de Mini-Hopkins. À cet instant, elle doit certainement être seule. Et je sais qu’il est dans mon devoir de lui tenir compagnie.
Vous savez… Pearl n’avait personne lorsque son père est parti, personne quand elle vivait sa double-vie en tant qu’agent secret, et personne quand Blake s’en est pris physiquement à elle pour lui dérober son innocence.
— Avant de me critiquer, tu devrais te remettre en question… dis-je en me levant de mon siège.
Je m’attendais à c’qu’Elena soit étonnée. Mais, ce n’est pas le cas. Elle est parfaitement consciente que ce que je viens de dire n’est qu’autre que la vérité : et que dans un sens, je ne suis pas le seul à avoir tout foiré. L’officière détaille avidement son verre, lorsqu’un silence de plomb envahit la pièce. Je croise les bras contre mon torse, m’avance vers la fenêtre et scrute la pluie diluvienne.
— Tu devrais aller la voir… me dit doucement Elena.
— De toute façon, je comptais déjà le faire. Je n’ai pas besoin de toi pour prendre des décisions à ma place.
Je n’avais jamais été autant en rogne contre Elena jusqu’à ce soir. Je lui en voulais tellement d’avoir été insoucieuse et absente, néanmoins, cette haine fragile s’atténue aussi vite qu’elle n’est apparue.
Je ne pouvais pas la sermonner ainsi, car après tout, Elena avait certainement une raison plausible pour réagir comme elle l’a fait. Et même si une part de moi veut connaître le pourquoi du comment, ma curiosité cesse immédiatement. Tout ça : ce ne sont pas mes oignons. Et je n’ai pas à m’en mêler. C’est aussi simple que ça.
Je me tourne vers elle, avec les traits du visage nettement plus adoucis. Franchement, j’ignore ce qui me prend, mais je finis par ouvrir ma bouche pour briser ce silence morbide :
— On s’est embrassés, et je me suis en quelque sorte… enfui. Voilà ce qu’il s’est passé.
Et là, tant l’inattendu était à son comble, elle crache son vin par terre. Rapidement, elle se ressaisit et pose son verre à ses côtés.
— Merde, préviens-moi quand tu dis des trucs comme ça ! riposte-t-elle, complètement déboussolée par ma remarque plutôt surprenante.
Je m’appuie contre le comptoir, tandis que la lieutenante s’installe face de moi. Un long soupir s’échappe de mes lèvres et je continue, simplement :
— J’ai perdu tous mes moyens. Et j’ai paniqué. Comme un putain de lâche… C’est sûr que maintenant, elle m’en veut. Non seulement parce que je suis un salopard, mais également parce que je vais partir.
Bordel, que Bouddha me retire cette âme mature et pas con ! C’est tellement perturbant d’engager une conversation sérieuse, presque philosophique – bon, j’exagère, mais quand même.
Mon humour ridicule et risible s’est carrément évaporé ! Je n’y suis pas habitué.
— Même si je suis mal placé pour comprendre Pearl… Je pense que pour tout arranger, il faut que tu la rejoignes, me propose-t-elle avec un calme sidérant. Elle a besoin d’un réconfort… Un réconfort dont je suis incapable de lui apporter.
Je ravale la salive, et hoche la tête. Elle a raison : il est temps que je parte. Et bien que je préfère qu’Elena soit la personne au côté de Pearl, je sais que ceci est une mauvaise idée. Leurs différents seront réglés une autre fois. J’en suis persuadé.
C’est avec une grande conviction, et une légère angoisse, que je m’oriente vers la porte.
— Merci, lui dis-je.
Elle me sourit. Et je quitte la pièce.
Une pensée me travers instantanément l’esprit : Pearl est dans sa chambre. Ça sonnait comme une évidence, une certitude. Elle a toujours eu l’habitude de rester dans sa chambre, et quand je découvre que sa porte est fermée, je découvre qu’à ce moment-là, son rituel n’avait pas fait office d’exception. Une partie d’elle était prévisible, si bien que l’on pouvait prévoir tous ses moindres gestes. Toutefois, une seconde facette d’elle était plus incertaine, plus déroutante – jusqu’à en être déconcertant.
— Ouvre-moi, déclaré-je d’une façon suffisamment forte pour qu’elle puisse m’entendre de l’autre côté de la porte.
Bien entendu, elle ne me répond pas. Le contraire m’aurait étonné, en toute honnêteté. Il est clair qu’elle est en rogne contre moi à cause de mon aspect bipolaire et incompréhensif.
— Pearl… S’il te plait.
Je plaque mon bras contre le vantail de la porte et mon front se pose sur mon avant-bras. Pendant une seconde, je pensais que tout était perdu d’avance et que Mini-Hopkins allait être têtue comme une mule.
Mais, aussi surprenant soit-il, je parviens à entendre le bruit de la serrure. À présent, je sais que la porte est verrouillée. Cependant, je ne l’ouvre pas. Dans ce genre de situation, je préfère ne pas être brusque.
Quand les secondes et les minutes s’écoulent, je décide d’abaisser la poignée et de franchir un pas sur le seuil. Lentement, je referme la porte derrière moi, et découvre avec confusion qu’elle est là, face au paysage reflété par la vitre de sa fenêtre. Lorsque je débarque dans sa chambre, elle ne se retourne pas. En fait, elle m’ignore. Totalement.
La pièce est plongée dans le noir, et l’atmosphère, quant à elle, est plongée dans une certaine forme d’amertume.
Je commence à faire quelques pas vers elle, mais je me stoppe directement quand elle se tourne vers moi.
— Qu’est-c’tu veux ? me lance-t-elle en s’avançant dangereusement vers moi.
— Écoute, pour tout à l’heure, je suis déso–
BAM ! Elle m’a frappé… Mais, bon, j’avoue que je le mérite amplement : malgré tout, elle aurait quand même pu me laisser le temps de m’exprimer, non ?
Je sais que j’ai merdé, et tout, mais voilà quoi. J’ai toujours été comme ça, c’est-à-dire, un abruti : alors, mon comportement exécrable n’est pas un choc non-plu. C’est pourquoi, avec un peu de recul, je trouve sa réaction complètement disproportionnée. Certes, je n’aurais pas dû partir, mais il faut savoir que je suis incorrigible. C’est dans ma nature.
— En fait, je ne devrais même pas m’excuser. Tu sais–
ET VLAA ! Lambada dé banana est officiellement déclaré battu. Putain de merde, ça fait mal ! Dit donc, elle en a de la force la p’tite agent-secr– MAIS AIE ! Elle vient de me donner un coup de poing dans l’abdomen, et un autre, et encore un autre…
Je contracte mes muscles et analyse son attitude : Pearl est en colère. Mais, genre, vraiment ! Elle me frappe avec force et hargne, avec les yeux rivés sur ses poings.
— Je te déteste ! Je te déteste, putain ! Je te déteste tellement… crie-t-elle avec des sanglots.
Attendez, j’ai raté un chapitre ou un tome entier là ? Je n’y comprends rien. Il est incontestable qu’elle est sur le point de craquer, littéralement, et que ses frappes se vident de vitalité.
— Pearl… Pearl, regarde-moi !
Elle persiste à m’infliger des raclées, en reniflant, signe de pleurs imminents. J’essaye de discerner ses raisons, et presque instantanément, je réalise que sa soudaine violence est causée par une accumulation d’événements et qu’elle tente d’y remédier à travers des gestes brutaux et dépourvus de sens.
D’habitude, c’est moi qui me sers de cette technique.
— Ça fait mal… gémit-elle avec une voix brisée.
Sentiment partagé. Je souffre intérieurement, mais ne laisse jamais rien transparaître.
Cette scène me rappelle la fois où Pearl avait perdu le contrôle en se réveillant de son cauchemar. Par contre, cette fois-ci, la douleur est différente. Elle est psychologique et physique. Et c’est moi le fautif.
— Tellement mal…
J’approche sa tête contre mon torse, même si ses atteintes corporelles n’ont pas cessé. Quelques minutes plus tard, elle s’arrête. Complètement. Et je resserre mon emprise autour d’elle. Mes paupières se ferment et je me mets à écouter attentivement les battements de son cœur. Ils sont irréguliers, rapides – tout comme les miens.
— Shht, ne t’inquiète pas. Je suis là, susurré-je à son oreille.
Je me décale légèrement et prends son visage entre mes mains. Elle pleure. Abondamment. Je contracte ma mâchoire, déglutis et d’un revers du pouce, essuie ses larmes. La tristesse, l’accablement, le chagrin, l’affliction : voilà ce que je peux déceler dans son regard. Et sincèrement, c’est une véritable torture de voir ça. Cette vision d’elle, complètement détruite, est la preuve même que je devrais m’éloigner d’elle pour son bien.
Toutefois, ceci m’est impossible. Pearl mérite mieux, certes, mais je ne l’imagine avec personne d’autre que moi. Et même si je passe comme un égoïste, ça m’est égal… Dans un murmure, pratiquement imperceptible, ma voix résonne :
— Je suis désolé.
Bien que je sache qu’elle ne m’a pas entendu à cause de ses pleurs recouvrant l’intégralité de la pièce, je tenais tout de même à le dire.
Soudain, sous mon étonnement, Pearl place ses bras au-dessus de mes épaules et tente de se calmer – en vain.
— Je t’en prie. Ne pars pas… implore-t-elle.
Alors, c’était pour ça. Elle ne m’en voulait pas pour ce que j’ai fait après notre baiser, mais plutôt, pour mon départ. J’aurais dû m’y en douter. Quel débile, sérieux. J’agrippe mes mains contre ses hanches et finit par entourer une nouvelle fois mes bras autour d’elle. Ainsi, elle ne peut pas se détacher de moi : la seule chose que je souhaite est de rester avec elle, indéfiniment. Mais, malheureusement, cette étreinte devait se terminer.
Pearl s’effondre sur ses genoux. Quant à moi, je demeure impuissant.
— Pourquoi je suis en train de pleurer ? me demande-t-elle en sanglotant. J’en ai marre de pleurer !
C’est alors que je me mets m’accroupis, devant à elle, afin d’être en face de son visage.
— Je ne vais pas partir, tu m’entends ? Je ne te laisserais jamais. Tu as ma parole, annoncé-je en souriant brièvement.
Elle me regarde longuement, et progressivement, ses larmes diminuent.
— Pourquoi tu ferais ça ?
— Parce que je t’aime, lui répondis-je simplement.
Contrairement à la dernière fois, je suis en état de sobriété. J’avais attendu le bon moment pour lui avouer cette vérité. C’était comme un besoin quasi viscéral. Car, de cette manière, ça signifiait qu’il n’était plus question de manipulation entre nous, mais uniquement de pureté. Et comme prévu, elle est sous le choc.
— Ferme la bouche, sinon tu vas gober des mouches, rié-je.
Finalement, j’arrive à lui faire décrocher un sourire. Radieux et sincère : comme d’habitude. Elle prend mon visage dans ses paumes, avant de finir par poser ses lèvres sur les miennes.
Étant donné que je suis toujours accroupi, mon corps s’incline en arrière et je manque presque de tomber. Je sens son sourire sur mes lèvres, et puisque c’est contagieux, je souris à mon tour.
Elle se détache brièvement, et me dit, avec amusement :
— Bah alors, t’en a mis du temps, Maxwell !
À présent debout, je place mon bras sur son épaule pour qu’elle ne m’échappe pas – juste histoire d’être sûr, hein.
— Il se trouve que je te l’ai déjà dit, après la fête, ricané-je alors qu’elle s’immobilise immédiatement.
— Oh, je savais que tu cachais un truc ! Espèce de crétin, hurle-t-elle en essayant de cacher son sourire.
— Attends, c’est moi que tu traites de crétin, là ?
Elle tire la langue telle une gamine, et aussitôt, je l’embrasse. Décidément, je ne m’en lasserais jamais. La chaleur qu’elle dégage est inestimable. Elle commence à tordre de rire quand je la pousse sur le matelas du lit : son attitude contraste follement avec les minutes précédentes. Désormais, ses larmes ne sont plus là et laissent place à de jolies joues empourprées. Si je savais, j’aurai dit « je t’aime » avant qu’elle se mette à me prendre pour un punching-ball !
— Minute ! s’exclame Pearl si soudainement que j’émets un sursaut. Ce ne serait pas…
Je fronce les sourcils en suivant sa ligne de mire et remarque, avec stupeur, une ombre à proximité de l’armoire. Mais, je connais ce truc ! Il s’agit de…
— RATORS ! avons-nous crié.
Le plus surprenant dans tout ça n’est pas le retour du rat mutant de Tyson, mais plutôt le cri assourdissant d’Elena, se tenant vraisemblablement derrière la porte.
Oh, elle a osé nous espionner !
C’est alors qu’on l’entend dévaler les escaliers à une vitesse hallucinante : en même temps, je converge les yeux vers Pearl, et on éclate de rire.
Je me glisse sous la couverture, sous l’œil attentif de Pearl, et continue de sourire bêtement pour que son expression faciale soit la même que la mienne. Tout ce que je veux, c’est qu’elle sourit. Encore et encore. Ça me permet d’oublier cette image d’elle, anéantie et à la fois dévastée par ses propres émotions.
— Qu’est-ce que tu fiches dans MON lit ? interroge-t-elle en s’enfouissant également sous la couette.
— Je t’ai dit que je ne te laisserais jamais, non ?
Elle me sourit, et pose délicatement sa tête sur l’oreiller. On se fixe pendant plusieurs minutes, silencieux, avec pour seul bruitage, le son de la pluie.
Et sans qu’elle s’y attende, je l’attrape pour qu’elle soit à une infime distance de moi. Entre-temps, elle heurte mon abdomen et je ne peux pas m’empêcher de geindre doucement.
— Désolée de t’avoir frappé, admet-elle.
— C’est rien. À force, c’est devenu une routine, plaisanté-je en la serrant contre moi.
— Au fait, tu te souviens de la première gifle que je t’ai donnée parce que tu m’avais sauvé la vie ?
On commence à lister tous les moments fous que l’on a partagés ensemble ainsi que nos premières impressions lors de notre première rencontre. Et c’est seulement à un moment donné, tard dans la nuit, que nous avons réussi à sombrer dans un sommeil profond et agréablement paisible.