CHAPITRE 31
« Quelqu’un que je ne suis pas. »
Shit. Que s’est-il passé après ça ? Bonne question. Je ne sais pas – enfin, pour l’instant.
Croyez-le ou non, mon taux de curiosité est à son summum. Mais, genre, vraiment !
Là, maintenant : j’ai impérativement besoin de réponses à mes foutues interrogations – étant, actuellement, en suspens. Satané gueule de bois.
Clairement, je n’aurais jamais dû boire autant de bière à cette stupide fête.
Avec une lenteur époustouflante, je me redresse du lit dans lequel j’étais allongé. Et aussitôt, je me rends compte que ce n’est pas ma chambre. Il s’agit de celle de Pearl. D’ailleurs, je m’abstiens de sursauter lorsque cette dernière se retourne – par chance, elle est toujours endormie.
Sans plus tarder, je me mets à analyser chaque détail s’offrant à ma vue. Ses cheveux bruns sont étalés sur l’oreiller, tandis que sa position n’est pas des plus glamours. Un léger filet de bave s’écoule le long de son menton, et quand je fixe davantage sa bouche, la douceur de ses lèvres me revient en mémoire.
Nous nous sommes embrassés.
Et pour la première fois, c’est elle qui s’est lancée. Je me souviens parfaitement de mon état de stupéfaction et de son attitude audacieuse. Contrairement à elle, je n’avais pas osé le faire. Étant donné que je ne souhaitais pas remettre en question mes convictions.
Vous savez… Même si je me répète : Pearl mérite d’avoir quelqu’un de bien. Et malgré le fait que c’est un véritable supplice de l’avouer, j’dois admettre que Keegan serait le petit-ami parfait pour elle.
Ils se connaissent depuis longtemps, et il est évident qu’un jour ou l’autre, ces deux-là tomberont amoureux pour finir par pondre des gosses.
Pendant ce temps, je vivrais ma vie de solitaire se résumant à la violence et à la fuite d’un passé lointain.
Ce n’est pas si mal comme programme, non ?
Encore une fois, Pearl gigote sous la chaleur des rayons du soleil. Je décide de me lever du lit et de me barrer. De la manière suivante, je ne serais pas victime de son interrogatoire improvisé.
C’est sûr que si elle se réveille, cette chieuse va s’imaginer des tonnes de scénarios en réalisant que nous avons dormi ensemble, et que nous avons également passé la nuit à… TOUT DOUX, BANDE DE PERVERS(ES) !
Si c’est le cas, enlevez tout de suite vos hypothèses malsaines de la tête ! Et qu’ça saute !
Nous avons seulement discuté de trucs complètement dérisoires !
Il ne faut pas oublier que lorsque Mini-Hopkins est sous l’influence de l’alcool, celle-ci a tendance à être excessivement bavarde. Pas que ça me dérange, hein ! À vrai dire, c’était plutôt cool.
J’ai appris beaucoup de choses sur elle. Notamment sur son père. Ce dernier était un agent secret, brave et intelligent, dont elle admirait énormément jusqu’à ce qu’il ne parte lorsqu’elle était encore jeune. C’est aux fils des années, après son départ, que la relation avec sa mère s’est dégradée.
Elena était souvent absente à cause de son travail, et restait constamment distante auprès de sa fille. Leur entente est définitivement tombée en ruine dès lors où Pearl s’est engagée à devenir agente secrète. Depuis, cette dernière a l’impression de n’être jamais à la hauteur.
Au début, lorsque j’ai débarqué ici : je ne me doutais absolument pas de tout ça. Elena avait l’air d’être vraiment attentionnée à l’égard de sa fille.
Cependant, c’était nettement plus compliqué que ça. Au cours de mon séjour, il m’était rare de voir ces deux-là en train de discuter. Leur rapport était froid, presque glacial, et je n’avais vu que du feu.
Et c’est là que je me rends à quel point j’ai été inattentif. Elles avaient un réel problème de communication – pour y remédier, une idée faramineuse commençait à germer au sein de mon cerveau. Retrouver M. Hopkins me paraît être une solution sympatoche, vous ne trouvez pas ?
À présent, je suis dans la salle de bains pour engager ma routine matinale. AH ! J’avais complètement zappé de vous dire quelque chose en ce qui concerne les événements de la veille !
Pearl m’a vomi dessus.
C’est pourquoi je ressens le profond besoin de prendre une douche ! Je n’attends pas une seconde de plus et sors pour chercher un boxer – sachez que je fais un effort surhumain pour ne pas sortir ma bonne vieille blague du boxeur dans un boxer ! Vous vous en souvenez ? Ah, le bon vieux temps ! Oops, je m’égare. Où en étais-je déjà ?
Ah, je sais ! Lorsque je suis équipé de mon sous-vêtement, je me dirige à nouveau vers la salle de bains. Tout ça en moins de quelques minutes ! J’entre dans la cabine de douche intégralement en verre, et commence à faire couler l’eau. Je varie le mitigeur jusqu’à obtenir une température approximativement chaude.
Enfin, bon. Je pense qu’il est inutile de préciser la suite. Pourquoi ? Parce que ça ne sert à rien.
Quand mon moment de décrassage s’achève, je sors de la douche et m’empare rapidement d’une serviette blanche afin de diminuer l’abondance d’eau dans mes cheveux – qui, désormais, sont ébouriffés.
Alors que tout se passe normalement, Pearl vient tout gâcher en débarquant. Bien entendu, elle lâche un cri de stupeur. Franchement, quand on a la gueule de bois, ce type d’action donne des envies meurtrières.
Je grogne des jurons, tandis que Pearl se contente de se retourner et de cacher ses yeux.
Chose, qui plus est, inutile ! Je roule des yeux et entoure la serviette autour de ma taille.
— Oh, ça va. Arrête de dramatiser, dis-je lorsqu’elle se recroqueville sur elle-même en faisant mine d’être traumatisée à vie. C’est la première fois que tu vois un mec nu, ou quoi ?
— Bien sûr que non ! s’exclame-t-elle, et je serre fermement le poing. Putain, mais pourquoi t’as pas fermé la porte ? C’est à cause de toi…
— Hé, ne jette pas la faute sur moi, hein ! D’habitude, quand on entend l’eau couler, ça veut dire que quelqu’un est en train de se laver. Alors, c’est moi l’innocent dans ct’histoire ! rétorqué-je en m’orientant vers elle.
— J’ai mal au crâne alors excuse-moi de n’y avoir pas pensé, M. l’innocent, grommelle-t-elle en se relevant.
Pearl garde ses mains sur les yeux et décide de partir. Néanmoins, elle se cogne contre le mur. Mais, quelle cruche, sérieusement !
Le pire, c’est qu’elle vient de heurter son bras détenant de récents points de suture. Un gémissement phénoménal s’échappe de ses lèvres. Oh, putain. Tuez-moi. Je vous en supplie. Mes maux de tête s’accentuent.
— Bordel ! Pourquoi j’ai un bandage ? interroge-t-elle en se tournant vers moi, avec des yeux égalables à des soucoupes volantes originaires d’une autre galaxie.
Ah, oui. Elle ne se rappelle de rien !
— C’est que maintenant que tu remarques ça ?
— Je viens de me réveiller ! Ça s’voit pas ?
— Oh, je t’expliquerais ça après, déclaré-je avec l’intention de m’habiller avant de commencer mon compte-rendu de la veille.
— Et pourquoi pas maintenant ? riposte-t-elle en paniquant lorsqu’elle examine davantage son avant-bras.
Ce n’est pas possible d’être aussi casse-couille, quand même ! Je souffle profondément, hésite quelques instants, et décide de faire semblant de retirer ma serviette. Aussitôt, Pearl court hors de la pièce en criant des insultes dans une langue étrangère – sûrement en vietnamien, ou un truc dans l’genre.
Je souris face à sa réaction, et enfile un sous-vêtement ainsi qu’un bas de jogging. Serviette sur les épaules, cheveux nickel et dentition parfaite : je descends les escaliers pour me rendre dans la cuisine.
Pearl est là, assise sur une chaise, avec la ferme détermination de connaître la vérité. Et c’est dans la volonté de l’emmerder que je m’avance tranquillement vers le comptoir pour me servir un café au lait, sous l’impatience véhémente de Mini-Hopkins.
— Bon, dépêche-toi ! s’agace-t-elle.
— Relax, répliqué-je en réprimandant un sourire narquois. Au fait, où est Elena ?
Lorsque je tiens ma tasse de café, c’est avec une certaine forme de lassitude que je m’oriente vers Pearl et que je m’assois sereinement sur une chaise en bois. Elle me regarde, manifestement paniquée, avec ses délicates lèvres entrouvertes. OUPS ! Bien évidemment, elle ignore où se trouve actuellement sa mère, puisqu’elle ne détient aucun souvenir de la veille. En toute honnêteté, ce détail m’était complètement sorti de la tête !
D’ailleurs, quand j’y pense, c’est tellement étrange ce phénomène d’amnésie provoquer à la suite d’une consommation d’alcool. Et à la fois, génial ! J’ai l’impression que ce qui s’est passé hier soir n’était qu’un songe – étant donné que je suis le seul à m’en être souvenu.
— Quoi ? s’exclame Pearl en fronçant les sourcils. Elle devrait être à la maison, non ? On est dimanche !
— J’n’en sais rien, moi.
Je me contente simplement de hausser mes épaules, et de boire une gorgée de ma boisson chaude, en évitant de me brûler la langue – en vain.
Pendant ce temps, Pearl ne peut pas s’empêcher d’envoyer un message à sa chère maman. Ah, la la ! Toujours à s’inquiéter pour rien, celle-là. C’est certain qu’Elena n’est pas en danger, alors calmos !
Décidément, je ne comprendrais jamais les Hopkins. Elles passent leur temps à se préoccuper l’une de l’autre, mais lorsqu’il est question d’engager une conversation, elles sont aussi muettes que des carpes.
Je laisse résonner un long soupir, pose les coudes contre la table, et commence à dire :
— Enfin, bref. Tu voulais savoir pourquoi ton bras est recouvert d’un bandage, pas vrai ?
Presque instantanément, elle lève les yeux vers moi. Et c’est ainsi que je peux clairement discerner la peur dans son regard azur. De toute évidence, elle est épouvantée à l’idée qu’elle ait dévoilé sa véritable identité à ses amis, lors de cette fête – ou bien, qu’elle ait dit des choses compromettantes sur sa personne.
— Tu es tombée sur des morceaux de verres. Et j’ai recousu les dégâts. Voilà, ce qu’il s’est passé.
Certes, il manque énormément de précision sur les événements de la veille, tels que l’arrivée d’une horde de fêtards et de l’altercation entre Keegan, Calvin et Tyson : mais, bon.
Je ne suis pas d’humeur à être mitrailler de questions dont je ne connais pas les réponses. Alors, il vaut mieux qu’elle soit dans l’ignorance !
— Mais encore ? dit-elle afin de réclamer plus d’informations.
Vu son expression faciale, elle est septique.
— Tu t’es mise à danser, à rigoler et à chanter des musiques d’Halsey, lui mentis-je et son visage se décompose en un temps record. Et, hum… Ah, oui ! Tu avais également avoué que j’étais plus beau que Ryan Gosling.
Elle vire au rouge pivoine, tant le sentiment de honte est intense. Je me retiens de rire lorsqu’elle se tape légèrement le front en signe de frustration. C’est trop marrant ! Elle ne se doute même pas de mon mensonge.
— Est-ce que ma tenue est restée correcte toute la soirée ? me demande-t-elle avec hésitation.
Visiblement, Pearl redoute ma réponse. Et c’est ça qui m’amuse ! Franchement, si vous voyez sa face égalable à une tomate, vous seriez en train d’éclater de rire. C’est hilarant de la voir ainsi !
— Correcte ? Non, pas vraiment. Tu as enlevé ton pull et ton soutif à cause du jeu de la bouteille, lui dis-je et elle se lève brusquement de sa chaise.
— HEEEIN ?!
Oh, non. C’est trop pour moi. Je me mets à rire, sous le regard angoissé de Pearl. Et dire qu’elle m’a cru… !
Purée, sa réaction est inestimable. J’adore être autant sadique, sérieux. Cette journée commence bien !
— Nan, j’déconne, Pearl. Tu as gardé tes vêtements toute la soirée, déclaré-je.
Elle souffle profondément, soulagée par mes mots, mais à la fois, énervée par ma mauvaise blague. Je ramène le bord de ma tasse jusqu’à mes lèvres, et ingurgite une seconde fois mon breuvage caféiné, avant de poser l’objet en porcelaine sur la table. C’est à cet instant que Pearl se décide à prendre la parole :
— Et il s’est passé quoi d’autre ?
Hum… Voyons voir ! En dépit du fait que je t’ai avoué que je t’aimais, que nous avons dormi dans le même lit et que tu m’as raconté des trucs privés sur toi : je n’ai pas grand-chose à dire !
— Rien. Tu t’es endormie, dis-je en quittant ma chaise pour déposer mon verre dans le lavabo.
— Vraiment ?
Je ne me retourne pas, et garde les yeux rivés vers la fenêtre. Mes mains serrent fermement un bout de chiffon, sans que Pearl ne le sache.
— Tu ne me crois pas ? la questionné-je, avec une voix rauque.
L’atmosphère devient étrangement tendue – et ce, en à peine quelque seconde. Je ferme doucement mes paupières.
— Je… laisse-tomber, me dit-elle.
Furtivement, je pivote ma tête dans sa direction, et c’est là que je la vois partir. Du bout de ses doigts, elle effleure laconiquement ses lèvres rosies. Je reprends ma place initiale, et fixe attentivement le paysage à travers la vitre, en essayant d’éloigner toutes ses pensées qui me sont néfastes.
« Oublie-la, Devon ! Elle mérite mieux… ! »
Je mets mes cheveux en bataille, contracte ma mâchoire et maudit mon subconscient d’être la cause de mon casse-tête insupportable. Il ne faut surtout pas que je néglige la réalité :
Je suis un mauvais garçon. Et je suis condamné à vivre dans la solitude. Point barre. Je n’ai pas le droit d’entraîner Pearl dans mes ennuis de fauteur de trouble.
Par ma faute, il se pourrait que mon assassin s’en prenne à elle. Et concrètement, je ne peux pas accepter ça… Car, au fond, je ne pourrais pas le supporter.
✽✽✽
Il est tard. Je dirais que nous sommes dans les alentours de minuit, pas plus. Et puisque je ne suis pas particulièrement fatigué, il m’est quasi-impossible de trouver le sommeil, surtout à cause du mauvais temps. Il pleut. Pas des petites gouttes, hein. C’est carrément des cordes qui jaillissent du ciel. Cette pluie diluvienne provoque l’apparition d’une multitude d’éclairs. Et sincèrement, j’dois avouer que c’est assez flippant. Mais, bon. Ce n’est pas des bruits de tonnerre qui me feront sursauter !
Bref.
Oh, bingo ! Situé dans la cuisine, avec un sourire aux lèvres, je prends possession du dernier sachet de Kinder Bueno, et quand je m’avance vers le salon, mon torse entre en collision avec un truc. Et ce truc, c’est Pearl. Quelle coïncidence ! Veuillez noter le sarcasme.
Puisque nous sommes les seuls présents dans la résidence, ça ne pouvait être qu’elle. Elena n’est toujours pas rentrée. Et ça commence vraiment à devenir inquiétant !
— Bordel de shit, c’est toi ! J’ai cru que c’était un cambrioleur, crie-t-elle alors que je sors Pacco de sa cage pour qu’il se promène comme bon lui semble.
— Tu crois vraiment que tu vas pouvoir battre un cambrioleur avec ton plaid sur la tête ? Nan, franchement. Tu ressembles à une vieille mamie, ajouté-je avant d’engloutir ma délicieuse barre enrobée d’une couche de chocolat blanc et de noisettes recouvertes de pépites meringuées au cacao.
— Arrête de te foutre de ma gueule, grogne-t-elle lorsque l’on se trouve au centre du salon.
— Tu peux toujours rêver, Mini-Hopkins !
Elle grommelle quelques jurons, et sans que je m’y attende, elle saisit ma fine gaufrette détenant un cœur purement fondant. C’est là que j’assiste à un désastre. Elle vient de manger MON Kinder Bueno ! Et c’était le dernier, en plus.
—Tu vas me le payer…
— Uh, oh. J’ai réveillé le démon qui sommeille en t-AAAAAH !
Telle une fusée, elle court dans toute la pièce en se servant du canapé pour que je ne sois pas en mesure de l’attraper.
Ensuite, elle s’enfuit dans la cuisine, puis monte à l’étage. De nature sportive, je ne cède pas face à cette soudaine activité physique. Malheureusement, Pearl est également une athlète de haut niveau.
— AU SECOURS, DEVON MAXWELL VEUT ME TUER ! hurle-t-elle en riant tandis que l’on se trouve dans le couloir.
Elle est piégée dès lors où elle rentre dans sa chambre. Ses éclats de rire résonnent en même temps que les grondements de l’orage. Je prends soin de fermer la porte, avant de m’avancer dangereusement vers elle.
— Attrape-moi si tu peux, plaisante-t-elle circulant de partout.
Bordel. Elle est rapide. J’essaye d’analyser ses gestes afin de prévoir ses intentions.
Gauche. Gauche. Droite. Puis gauche. Voilà son fonctionnement.
Lorsque je réalise cela, c’est avec une facilité renversante que je parviens à la plaquer contre le lit. Malgré tout, elle continue à se marrer. Quand je me retrouve au-dessus d’elle, par simple précaution, je prends le temps de tenir ses mains vers les deux extrémités de sa tête.
Ses rires diminuent en tonalité. Jusqu’à s’estomper entièrement.
Seuls les fracas de la foudre sont perceptibles, et nos respirations haletantes.
— Je t’achèterai un Kinder Bueno, ne t’inquiètes pas ! me sourit-elle alors que je me mets à la regarder intensément.
Je ne réponds pas. Et c’est notamment cela qui rend l’atmosphère presque palpable. De cette distance, je peux distinctement remarquer l’accélération de son cœur. Ainsi, que du mien.
Le son de la pluie est incessant. Des flashs provenant des éclairs me permettent de voir le visage de Pearl.
— Encore et toujours dans cette position bizarre ! affirme Pearl en cherchant à détendre l’ambiance. (Elle rit nerveusement, pendant qu’un flot de pensées me traversent l’esprit.) Dis-moi, Maxwell… Tu ne serais pas en train de le faire exprès ? Allez avoue ! Tu es fou de moi, pas vrai ?
Je reste silencieux. Une nouvelle fois.
De toute façon, qu’est-ce que je pourrais dire ? Évidemment, je ne peux pas lui avouer qu’à cet instant précis : plus rien ne compte à part elle et ses prunelles étant d’une beauté transcendante.
Il m’est également intolérable de dire à quel point sa simple présence me met dans tous mes états et que je suis actuellement en train de défaillir sous toutes ses remises en question que je m’inflige.
À chaque fois que je me tenais dans une situation comme celle-ci, d’une manière ou d’une autre, j’essayais de me préserver en ignorant les échos de ma conscience qui me criait d’accepter mes sentiments.
Vous savez pourquoi je refusais d’être jaloux ? Ce n’est pas compliqué.
À vrai dire, c’était seulement pour repousser mon affection auprès d’elle. Clairement, je ne voulais pas m’attacher à Pearl. Alors, pour y parvenir, je niais mon propre état d’âme.
— Tu pourrais me lâcher ? Ça commence à devenir bizarre ! Surtout que tu es torse nu, et euh… voilà quoi, déclare Mini-Hopkins en même temps que le bruitage du tonnerre.
Je me répète une énième fois que tout ceci n’est pas correcte, que je dois laisser cette fille, que je dois m’isoler jusqu’à la fin du programme de protection des témoins, que Pearl mérite d’avoir un gars bien, que je dois cesser d’être égoïste, et que je dois me contrôler de l’embrasser.
C’est alors que je sors du lit, ardemment frustré.
Je tente de me faire croire que Pearl est juste une personne banale, aux traits communs, et à l’attitude ordinaire : cependant, je n’y arrive pas. En plus d’être incroyable, cette fille est tout bonnement magnifique… Oui, je l’avoue !
La chieuse est belle.
C’est bien la première fois que je m’autorise à l’admettre, depuis que nous nous sommes rencontrés.
— T’es sûr que ça va, Devon ?
Appuyé contre la fenêtre glaciale, je cherche à obtenir un esprit dépourvu de pensées. Quand ses cordes vocales résonnent, mes réflexions redoublent de puissance.
— Ouais, lâché-je d’une façon si sèche que je regrette aussitôt.
Elle s’avance vers moi, manifestement inquiète de mon mécontentement. Je n’ose même pas lever les yeux vers elle, tant son regard me bouleverse. Ma fréquence cardiaque augmente en flèche. Et mes artères sont prêtes à exploser – juste parce qu’elle est là, devant moi.
C’est sûr que si je lève ma tête pour observer son visage étant la représentation parfaite d’un ange : toutes mes résolutions bienveillantes à son égard vont s’évaporer.
— Devon… Regarde-moi.
Ses doigts s’accaparent le bout de mon menton, et d’un faible mouvement du poignet, elle parvient à converger ses iris dans les miens. Le temps d’un moment, je contemple son teint porcelaine perceptible malgré la pénombre.
Elle se contente de froncer les sourcils : certainement, car elle est en train de réfléchir. Je donnerais tout pour connaître son point de vue.
— Pourquoi tu es en colère contre moi ? me chuchote-t-elle, avec incompréhension.
Si seulement, elle savait…
En réalité, la seule personne dont je suis en colère n’est autre que moi-même. Ça m’énerve le fait que je sois aussi indécis, presque lunatique à certains instants. Je sais que ce changement de réaction irrationnelle n’est pas raisonnable. Néanmoins, je n’y peux rien.
— Je ne le suis pas, marmonné-je doucement.
Elle se rapproche. Et je m’efforce de rester immobile. Je voudrais lui ordonner de rester là où elle est, mais je ne trouve pas le courage.
Mes mouvements sont anesthésiés.
Mes entrailles s’autobroient, tandis que je perds progressivement mes sens.
Mes jointures vinrent d’une couleur si pâle que je me demande si mes vaisseaux sanguins sont toujours en état de marche.
Quand elle effleure ma joue avec sa main droite, un long frisson se propage automatiquement dans chaque parcelle de ma peau. Je ne respire quasiment plus. Un besoin viscéral m’incite à ne plus faire face à la tentation, et à tout simplement, succomber. Je parviens à me maîtriser en plantant mes ongles dans ma chair.
Putain. Il faut que je m’éloigne d’elle, et vite – avant que la situation ne dégénère.
C’est alors qu’elle prononce quelque chose qui me laisse sans voix. Jamais, ô grand jamais, je n’aurai cru qu’elle puisse dire cela. Pourtant, je n’hallucine pas. Cette fois-ci, elle ne me demande pas de me déshabiller. Non. C’est différent.
— Embrasse-moi.
Ce que je ressens se résume à : putain de bordel de merde.
Je fais de mon mieux pour dompter mes pulsions, et elle, comme une licorne dans une prairie, elle vient gâcher tous mes foutus efforts.
Forcément, lorsque j’entends ses mots, je n’ai pas d’autre choix que de céder. J’oublie toutes mes convictions, toute ma volonté, et tout ce qui m’entoure.
Les souvenirs de la veille me reviennent en mémoire. Et je me maudis intérieurement. Nos langues dansent et s’entremêlent dans un rythme endiablé, sous un tonnerre d’orage. Je prends son visage entre mes mains au même moment où nos corps se collent jusqu’à obtenir une distance inexistante.
Notre baiser s’achève seulement lorsque nous sommes à bout de souffle.
— Donc, c’était toi, commence Pearl alors que nos fronts entrent en contact. La personne qui m’a embrassé.
— Comment ça s’fait que tu te souviennes de ça ?
— Je n’en sais rien. C’est comme du déjà-vu, me dit-elle.
Une part de moi fléchit.
« Je dois m’en aller. »
Ma conscience a raison. Il faut que je le fasse. Je m’excuse auprès de Pearl en prétextant aller fumer, et en l’espace d’une seconde, je me trouve déjà dans le salon avec la ferme intention de prendre l’air. Tout se passe vite – trop vite. Je n’arrive même pas à prendre pleinement compte de mes actes.
Je viens de commettre un coup de connard. Le pire de tous.
C’est tout bonnement irrespectueux de la laisser en plan, surtout après un tel moment… Toutefois, je n’ai pas vraiment le choix de l’embarras.
Bordel. J’ai l’impression que j’étouffe. Mes poumons se compriment. Et je détiens soudainement les symptômes similaires à ceux des claustrophobes.
Je sors de la demeure, torse nu, et m’assois sur les marches d’escalier de l’entrée. La pluie est toujours aussi forte et constante. Cependant, ça m’est égal.
Même si j’ai des chances de tomber malade, je n’en ai strictement rien à foutre. Ce n’est pas important comparé à ce qu’il se passe actuellement.
— Fais chier ! grogné-je en croisant mes bras sur le haut de mes genoux.
À la base, j’étais censé renoncer à elle.
Alors, pourquoi j’ai fait ça ?
À cause de moi, Pearl pourrait avoir des représailles venant de mes ennemies… MERDE ! À quoi je pensais, sérieusement ? Si mon assassin connait ma relation avec Mini-Hopkins, c’est certain qu’il va s’en prendre à elle. Et ce, sans le moindre scrupule ! Sans compter le fait que–
La voiture d’Elena vient de se garer dans l’allée.
Immédiatement, je me lève quand je vois cette dernière se précipiter vers moi. En voyant son expression, je peux facilement constater qu’elle compte me dire un truc important. C’est mauvais signe… Lorsqu’elle se trouve à quelques mètres de moi, la lieutenante déclare :
— DEVON !
— Qu’est-c’qu’il y a ? interrogé-je avec une pointe d’appréhension.
Elle s’arrête face à moi, et la porte d’entrée s’ouvre laissant apparaître Pearl. C’est alors qu’Elena se décide à répondre à ma question, sous nos regards confus :
— Le tueur a été capturé.