CHAPITRE 25

Aux premiers abords, je pensais véritablement que ceci était une mauvaise blague. Mais, lorsque je me rends pleinement compte qu’il est question de Pearl : cette idée se résilie immédiatement de mon esprit. Elle n’est pas du genre à faire des farces, surtout dans ce type de situations. Par conséquent, une pointe d’angoisse commence à se créer, provoquant l’augmentation en flèche de mon rythme cardiaque.

— Comment ça ? lâché-je tandis qu’elle garde ses mains sur mon bras.

— J’ai déjà vu ce gars à plusieurs reprises. Quand j’étais encore scolarisée, il me suivait, murmure-t-elle en fixant le clochard avec méfiance. Il est sûrement un espion de Blake… Alors, il faut faire attent–

Elle n’eut le temps de finir sa phrase que je me dirige en grandes enjambées vers l’individu, et ce, une l’allure fulgurante. D’un mouvement ferme, je saisis son col sous le regard déconcerté de la lieutenante Hopkins. Elle m’ordonne de le lâcher, mais je refuse en l’ignorant ouvertement. Et c’est alors que je découvre, après plusieurs instants d’analyse, que cet enfoiré est un imposteur. En effet, il n’est pas réellement blessé. C’est simplement du maquillage – étant par ailleurs étonnamment réaliste.

Contrairement à d’autre, comme Elena, j’arrive à reconnaître la différence entre du plasto wax et de la peau. De plus, bien que j’appuie sur ces blessures, ce salopard ne gémit pas de douleur. Quel con !

— Qui t’a envoyé ici, espèce d’enculé ?

Je suis indéniablement en colère. Et le sourire malicieux de ce connard n’arrange pas mon état. Je le lâche brutalement afin d’être en mesure d’asséner un violent crochet du droit dans sa face. L’officière émet un cri assourdissant.

— Devon ! Arrête ça, tout de suite ! m’ordonne Elena, en rogne.

— C’est un putain de menteur. Il porte du maquillage, regarde ! dis-je en me tournant vers elle, pendant que le clodo tente de reprendre son équilibre.

— Il a raison, maman.

Pearl s’avance vers nous – plus précisément vers l’homme suspecté d’être un agent de Blake. Et immédiatement, elle le fusille du regard lorsque ce dernier se permet de sourire bêtement. JE VAIS LE DÉFONCER ! En dévoilant sa dentition merdique, il cherche à nous provoquer. C’est certain.

— Oh, petite garce ! Ça fait longtemps que je ne t’ai pas vu, rétorque-t-il d’un air amusé.

Et là, c’en ai trop. Clairement, il est suicidaire. Je lui donne un coup de pied dans le ventre, de ce fait, il tombe brutalement au sol. Dès le moment où il parvient à se lever, j’envoie un second coup au creux de sa joue. Puis, un autre, avant de lui tordre brutalement le bras – ainsi, cet enflure commence à se geindre de douleur.

— La prochaine fois, je te tue, soufflé-je doucement pour qu’Elena ne puisse pas entendre.

— Ahh. Mec, calme-toi. Je n’ai fait que de saluer Pearl, piaille-t-il.

— Ouais, bah j’en ai rien à foutre. Tu crois que je vais te laisser l’insulter, sale fils de pute ? grogné-je en détachant mon emprise.

Bien que je sais qu’Elena n’adhère pas du tout à un tel langage, je fais abstraction de son regard de la mort, et me place devant le gars.

— Pourquoi es-tu ici ? lance Pearl en se tenant à mes côtés.

Il rit machiavéliquement. Putain, il me fait chier là ! Ce n’est quand même pas compliqué de réponse à sa question, merde à la fin. Il se ressaisit de son fou rire, et garde son éternel sourire jaune.

Sérieusement, si Pearl et Elena n’étaient pas là, c’est sûr que je serais en train de le tabasser. Je ne supporte pas les gens qui s’amusent quand je suis de mauvaise humeur. Or, après qu’est-ce qu’il s’est passé pendant la soirée, il est évident que je ne suis pas dans un état émotionnellement stable. Ceci pourrait éventuellement expliquer le renforcement de mon impulsivité.

Honnêtement, je ne sais pas, et je m’en fiche royalement. Cela n’est pas pertinent. Le clochard me sort soudainement de mes pensées en disant la phrase suivante :

— Je suis là pour faire diversion, tout simplement.

Euh… what ? Normalement, il n’est pas censé divulguer ce type d’information.

— Comment ça ? fit Elena en se situant dès à présent à ma droite.

— Je suis chargé de vous distraire. Est-ce suffisamment clair ? déclare-t-il avec lassitude.

— Par qui ? le questionné-je.

Et une nouvelle fois, il se met à rire. Un acte moqueur. Je déteste ça. Ma colère s’amplifie dans chaque parcelle de mon corps quand j’ai la certitude qu’il se fout carrément de ma gueule.

Bon. J’ai une annonce à vous faire : moi, Devon Maxwell, est susceptible de commettre un meurtre. Et ce, sans aucun remords. Voici ma confidence !

— Blake. Il parle de Blake, me chuchote Pearl en baissant les yeux vers le sol.

De base, j’suis supposé me calmer pour éviter un énième écrit sur mon casier judiciaire, mais là… ça va pas le faire, en fait. Je serre les poings. Et tente de canaliser au mieux la fureur qui naît au fond de moi.

— Bingo ! Tu n’es pas si conne que ça, en fin de compte ! affirme-t-il avec un enthousiasme qui me dégoûte.

— Va te faire foutre, enfoiré ! fulminé-je en ne tardant pas à l’étrangler.

Elena m’éloigne aussitôt de lui, quitte à entreprendre toutes ses forces. Je prononce intérieurement des injures, et me remets en retrait comme le souhaite Elena.

Pearl, quant à elle, se retient également de bondir sur ce bâtard de première.

Franchement, si vous étiez à ma place, c’est sûr que votre réaction aurait été la même que la mienne. Ce gars est vraiment détestable – tout autant que Keegan !

— Eh bien, je pense qu’ils ne vont pas tarder à arriver, révèle-t-il en fixant brièvement sa montre. J’ai tellement hâte !

ET BAM ! La porte d’entrée s’ouvre. Je sursaute légèrement suite à cet événement inattendu avant d’essayer d’examiner la personne qui se tient sur le seuil de la demeure – ou devrais-je dire, les personnes. Car oui, il est question d’une dizaine d’individus. Oh, merde.

Ils entrent, et parmi eux, je peux reconnaître Tarek.

En tous cas, une chose est sûre : il ne m’a pas manqué celui-là, mais alors, pas du tout !

Pris par surprise, je sens une aiguille s’enfoncer dans ma peau. Putain, c’est le clochard. Une substance envahit mon organisme, et je ne peux pas y remédier. Ma vision devient laconiquement floue. Je m’effondre sur mes genoux, scrute autour de moi, et constate qu’Elena a réussi à s’enfuir de la vigilance des ravisseurs. Cependant, ce n’est pas le cas de Pearl. Cette dernière est face à moi. J’en viens à déduire que l’enfoiré lui a également injecté la même drogue que moi. Bordel.

— Qu’est-ce que vous faites ? Allez chercher la policière ! Ces deux-là sont hors d’état de nuire, ordonne Tarek, et directement, les gens se mettent à rechercher Elena, y compris le clodo.

Pendant ce temps, je tente de me battre contre cette souffrance physique qui me ronge considérablement de l’intérieur. Par chance, cette fois-ci, mes cordes vocales fonctionnent et la douleur est approximativement supportable – mais, ça reste désagréable.

J’ai toujours cette sensation que mes entrailles se broient, et que je vais exploser de façon imminente. Ma tête tombe sur le sol, suivi de Pearl. Désormais, mes yeux sont rivés dans ses prunelles.

— Devon… Ils vont me kidnapper, chuchote-t-elle en s’efforçant de garder les paupières ouvertes.

Je tente d’oublier cette torture épouvantable pour me concentrer sur notre échange vocal.

— Dans ce cas, je te retrouverai, murmuré-je.

La tonalité de ma voix est si basse que j’ignore si elle parvient à entendre mes paroles. Quand elle ferme les yeux, je m’empresse de la réveiller. Il ne faut qu’elle dorme. Pas maintenant. J’ai besoin de voir ses yeux pour ne pas flancher.

— Je suis désolé pour tout à l’heure… Je ne voulais pas être aussi froid, lancé-je en me noyant progressivement dans l’intensité de la douleur.

— Ce n’est pas grave. C’est plutôt moi qui suis désolé d’être aussi méprisante ces derniers jours… marmonne-t-elle d’un air coupable. Je venais d’apprendre que mes amis organisaient une fête le mois prochain, et que je ne pouvais pas y aller. C’est pour ça que j’étais de mauvaise humeur… C’est débile, non ?

— Tous tes magazines sur comment devenir une adolescente normale commence à porter ces fruits, c’est bon signe.

Je ris brièvement, négligeant le temps d’un instant, mon déchirement corporel. Pearl rit à son tour avant de grimacer à cause de la douleur. Malgré le fait que nous savons pertinemment que cette soirée risque de mal se finir, nous ne pouvons pas nous empêcher d’engager des blagues pourries. Un rictus honore mon visage depuis un moment : grâce à elle.

Merci, Pearl.

Je ne sais même pas si j’ai prononcé ces mots-là, ou bien que je les ai seulement pensés : tous mes sens sont confus. Désormais, je ressens à peine la douceur de sa main entrelacée à la mienne.

Tarek et ses compagnons débarquent dans la pièce.

Et c’est lorsqu’une personne porte Pearl dans ses bras que je réalise que je suis impuissant. Je n’ai plus la force de parler, ou de bouger.

Mon corps m’abandonne, une énième fois. Et c’est là qu’ils partent.

Ainsi, je me retrouve seul, au sein de cette pièce, dans une obscurité partielle. Mes paupières se ferment, et je m’engouffre dans un néant total.