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Le plan d’évasion de Pearl est CATASTROPHIQUE. Il aurait mieux fallu que je me débrouille seul, comme j’en ai l’habitude. Tout serait plus simple.
— Où vous allez comme ça ? demande l’officière Hopkins en nous fusillant du regard.
— Ça ne te concerne pas.
— Ne t’inquiète pas maman, je gère ! dit Pearl avec enthousiasme. Tu peux me faire confiance, non ?
— Je te fais confiance, mais pas lui, lance Mme Hopkins en me désignant vulgairement du doigt. Tâche de faire en sorte qu’il va bien, c’est clair ? Protège-le.
Ma conscience est dans un fou rire incessant ! Sérieusement, ceci est vraiment la blague de l’année. J’hallucine. Comment un petit cure-dent dans son genre pourrait me protéger ? C’est le monde à l’envers. Cette fille ne sait même pas se battre ! Moi j’dis : protection défaillante. Les services fédéraux m’ont donné à deux femmes incapables ! Ça à un impact sur ma fierté. Ils auraient tout de même pu m’accorder les meilleurs agents du pays. C’est clairement du foutage de gueule !
— Tu me donnes ton accord pour les maîtrises ? fit brusquement Pearl avec une lueur d’espoir.
Je n’y comprends rien. C’est quoi ce bordel, encore ?
— Non, répond sèchement sa mère. Tu dois attendre tes dix-huit ans, Pearl.
Bon. C’est officiel ; je suis complètement perdu. Bref, peu importe. Je monte sur ma moto, avant de faire grogner le moteur. Lorsque la discussion mère et fille s’achève, Pearl se dirige vers moi pour s’installer derrière moi. Sous le regard de la lieutenante Hopkins, je m’engage sur la route pour me rendre dans le hangar regroupant de la musique, de la drogue, des filles et de la boxe. Autrement dit, tout ce que j’aime. L’emprise de Pearl autour de mon torse s’accentue davantage, tandis que je me questionne sur sa conversation avec sa génitrice. Qu’a-t-elle dit pour avoir l’accord de sa mère ? Enfin, je veux dire… Un parent ayant un minimum de bon sens ne laisse pas sa fille avec un délinquant connu par la police à cause de ses antécédents peu flatteur !
Décidément, cette officière Hopkins n’est pas normale – ainsi que sa fille. Rectification. Cette famille est bizarre ! C’est évident qu’elles cachent un secret ; et je compte bien le connaître ! Arrivés à destination, j’arrête mon véhicule devant le hangar, sous les regards de plusieurs laiderons. Alors que j’enlève mes clefs pour les enfouir dans ma poche, Pearl tente de garder son équilibre.
— DEVON !
Cette voix féminine étant assez aiguë, je pourrais la reconnaître entre mille… Kendall. Vous vous souvenez ? Et si je vous disais : blonde, sexy, petite-amie numéro un. Ça y est ? Cette dernière se dirige en grande enjambées vers moi, provoquant le mouvement de ses seins au passage, comme dans les films avec les meufs en maillots de bains. Ne vous méprenez pas, je ne regarde pas ce type d’émission télévisée ! Quoi que… Enfin, bref. Je m’égare totalement. Où en étais-je déjà ? Ah oui ! Kendall s’oriente à mon égard, et un détail attire mon attention. Non, ce n’est pas ses obus. Non, ce n’est pas sa tenue bandante. Vous avez complètement tort ! Il s’agit du gars à ses côtés. Un vrai malabar. Vous voyez le genre… afro-américain, baraqué, avec un physique imposant.
— C’est de cette pétasse que je te parlais, Calvin ! dit ma petite-amie, tout en montrant du doigt, Pearl.
Ledit Calvin, s’approche dangereusement de mini-Hopkins. Par ailleurs, celle-ci s’est enfin ressaisi de notre petite virée en moto. Quand ses prunelles croisent le malabar, un soupir de frustration s’échappe de ses lèvres entrouvertes. Pendant ce temps, Kendall tente de se blottir dans mes bras, en vain. Je ne fais pas attention à sa personne. Étant donné que je suis obnubilé par la scène qui s’offre à moi. Une intuition me dit que Pearl pourrait potentiellement montrer sa véritable nature. Étrangement, à cet instant précis, j’ai le sentiment qu’elle sait se battre – bien que j’ai affirmé tout le contraire, plusieurs minutes plus tôt.
— Tu t’es attaquée à la mauvaise personne… déclare Calvin à voix basse à l’intention de Pearl.
— C’est qui, lui ?
Je prends soin de m’éloigner d’elle dans le but de pouvoir mettre mes mains dans les poches. Même si je suis intrigué et confus par la tournure des événements, mon visage n’exprime rien d’autre que de l’ennui. Comme d’habitude.
— C’est l’ami de Selena, répondit-elle avant de reprendre la parole en diminuant la tonalité de sa voix. Il pense naïvement que c’est cette connasse qui a incité sa petite-sœur à se suicider.
— Et elle s’est vraiment suicidée ? interrogé-je en faisant référence à la petite-sœur de Calvin.
— Ouais, la semaine dernière. C’est lui qui a découvert son corps, alors crois-moi, cette fille n’a aucune chance de survivre, dit Kendall en regardant intensément Pearl.
Oui, je vous l’accorde. Petite-amie n°1 est carrément cinglée, surtout lorsqu’il est question de jalousie. Ah la la… Si elle s’avait que je me tape une de ses meilleures amies ; c’est sûr qu’elle aurait des envies meurtrières. Malheureusement, la malchance s’est abattue sur la jolie brune puisqu’elle est victime de la haine abominable de Kendall.
— T’es folle, grommelé-je en contractant ma mâchoire.
Mes yeux convergent vers l’entrée du hangar. Désormais, une foule de personnes entourent Calvin et Pearl. Un combat imminent s’annonce. Et quelques personnes sont déjà en train de parier sur le gagnant. Pathétique... Je ne bouge pas en me contentant d’observer l’avancée de ce futur match. Puisque 99% des gens, ici présents, ont peur de moi – le pourcentage restant n’est autre que Pearl – personne n’ose me bousculer. Donc, un espace libre se trouve autour de moi. Ainsi, je ne suis pas gêné par tous ces êtres inférieurs.
— Oui. Je suis folle de toi, remarque Kendall en riant bêtement.
À l’entente de ses paroles, je roule intentionnellement des yeux. Tellement niais comme répartie, ew. Alors que je soupire légèrement, j’aperçois Calvin saisir brutalement le cou de Pearl. Mes poings se ferment immédiatement. Bizarrement, mes gestes paraissent réticents. La brunette gigote dans tous les sens, et finit par tomber vulgairement au sol. Le public réclame toujours plus. Je contracte davantage ma mâchoire, tandis que mes doigts me démangent ; je veux frapper quelqu’un. Pearl se recroqueville sur elle-même en essayant de se protéger des coups de pieds de Calvin. Le malabar saisit le col de son haut afin qu’elle soit en élévation, et lui inflige un coup-de-poing au creux de sa joue. Les personnes hurlent de victoire. Ils sautillent, dansent, s’enjaillent. Ça m’énerve.
Pearl s’effondre sur ses genoux. Encore une fois. Son visage est baissé, ses jointures sont pâles et ses respirations sont amples. Pourquoi elle ne se défend pas ? Bordel de merde ! Mais, elle est nulle. Comment ai-je pu croire une seule seconde qu’elle puisse être en mesure de se battre ? Les fédéraux m’ont refilé une protection inefficace. Ce n’est pas une fille comme Pearl qui pourra me défendre face à un assassin armé !
Du bout de ses doigts dodus, Calvin prend fermement le menton de Pearl, tout en préparant sa prochaine frappe. Je m’avance vers eux, toujours les mains dans les poches. Instinctivement, tous les regards se braquent sur moi – bien évidemment. C’est le silence complet, la musique s’est arrêtée. Ma démarche décontractée se résume en trois mots ; like a boss.
— Je te conseille de dégager d’ici, fis-je d’une voix calme et posée.
Je suis si serein que les battements de mon cœur sont réguliers. Un adversaire comme lui ; ça m’est égal. Sans ses muscles ; il n’est rien. L’importance dans le combat n’est pas que la force, il existe avant tout, le mental. Précision et justesse. Et d’après mes analyses, Calvin est un incompétent. Il frappe en étant dépourvu de toutes réflexions.
— Sinon, quoi ? affirme-t-il en guise de provocation. Tu vas sortir tes petits gants ?
Je reste indifférent, malgré le fait qu’au plus profond de moi, je veux le tuer. Ce genre de remarque désobligeante ne me plaît pas ; et tout le monde le sait. C’est pourquoi, les gens sont tous choqués. Clairement, ce soi-disant Calvin a signé son arrêt de mort.
— Je n’ai pas besoin de gants pour te mettre une raclée, dis-je calmement.
Un sourire mesquin se dessine sur ses lèvres charnues. Des nouveaux paris prennent place.
— Tu es tellement arrogant pour un gamin de ton âge. Sérieusement, t’a quoi ? Seize, dix-sept ans ? dit-il en lâchant violemment le menton de Pearl.
— J’en ai dix-neuf, lancé-je froidement.
— C’est ce que je disais ! Tu n’es qu’un gamin. N’ai-je pas raison ? ajoute Calvin en se tournant vers la foule.
Aucune réponse ne retentit. Je réprime un sourire. Il vient de se prendre un de ces vents ! Wow. C’était magique. Je m’avance vers lui, tout en prenant soin de jeter un coup d’œil sur « ma protectrice » qui est actuellement en train de faire une sieste – ou je ne sais quoi – par terre. Génial… Normalement, c’est elle qui doit me défendre ! Et pas le contraire !
— Bon, on commence là ? soufflé-je alors que l’on se tient à une distance approximativement correcte.
Comme prévu, Calvin tente de me donner un coup-de-poing, en vain. J’esquive, et enfonce mes jointures dans son ventre avant de reculer d’un pas pour me mettre dans une position de défense. Par la suite, je lui décroche un crochet du droit suivi d’une frappe sous le menton. Au moins, j’aurai eu mon combat de boxe, c’est déjà ça. J’entreprends une baffe aux creux de sa joue, et une autre sur sa tempe gauche.
Alors que le match s’annonce gagné d’avance, tout s’écroule. Une douleur se propage sur le haut de mon épaule gauche. Je tourne la tête, et c’est là que je vois la nature de cette souffrance soudaine. Une flèche noire. Oh, merde. Une substance prend contrôle de mes gestes. Je me sens anesthésié complètement. Contre mon gré, je succombe. À cet instant précis, mon corps s’écroule au sol. De ce fait, puisque je suis par terre, je peux voir le visage de Pearl étant toujours allongée sur le goudron.
Et là, brutalement, elle ouvre les yeux : une lueur indéfinissable brille dans son regard. Je n’eus le temps dire un seul mot que mes paupières se ferment immédiatement. Désormais, je me trouve dans le noir total, parsemé d’angoisse et de confusion.
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Je me réveille brutalement, essoufflé. Ma respiration est haletante. Le ciel est d’un bleu immaculé, les rayons du soleil sont aveuglants, et un doux parfum de gâteau au chocolat me parvient jusqu’à mes voies nasales. Je balaye la pièce du regard en constant que je me trouve dans ma chambre – ou plutôt, dans la chambre d’invité des Hopkins. Une question me trotte dans la tête, comme un déclic, demeurant sans réponse à l’heure actuelle. Que s’est-il passé après que je sois tombé dans les vapes à cause d’une flèche ? Oh ! En y repensant, je n’ai plus cette flèche sur mon épaule, mais plutôt un bandage.
Combien de temps suis-je resté endormi ? Deux jours, une année entière ? Oh, mon dieu. Je pense que j’ai regardé beaucoup de films… Mais bon ! Tout peut arriver, hein ? Soudain, une personne toque à la porte. Je me précipite pour l’ouvrir, espérant obtenir les réponses de toutes ses questions presque rhétoriques.
La lieutenante Hopkins se tient face à moi. Sans que je m’y attende, cette dernière me gifle. MAIS, ELLE EST FOLLE ! Une chance que ceci n’est pas violent. En fait, sa frappe est plutôt inoffensive, mais ferme.
— Que s’est-il passé hier soir ? Hein ? Tu as intérêt à avoir une bonne excuse, hurle-t-elle, visiblement en rogne.
— Quoi ? Mais, je n’en sais rien, moi ! répondis-je en haussant le ton.
— Ce type de répartie ne marche pas avec moi, jeune homme ! Comment se fait-il que je retrouve ma fille avec du sang sur son haut, accompagné de toi, carrément inconscient ?
— Bah… je sais pas, riposté-je en esquivant sa seconde attaque. Arrête de me frapper, puisque je te dis que je ne sais rien !
Mme Hopkins grogne, avant de décider de déguerpir du seuil de la porte de ma chambre. Lorsqu’elle se trouve proche des escaliers, je l’interpelle.
— Hé ! Où est Pearl ?
Elle hésite quelques secondes.
— Euuh… dans un centre de loisir, dit-elle d’une manière peu certaine. Je lui ai dit de rentrer plus tôt donc, elle va rentrer d’une minute à l’autre.
— Ok.
Par la suite, je me dirige dans la salle de bains pour pouvoir me brosser les dents. Mon regard croise mon reflet… Et c’est plus fort que moi. PUTAIN, QU’EST-CE QUE JE SUIS BEAU ! Ça en est pratiquement un don. Même en venant tout juste de me réveiller, mon allure est toujours aussi parfaite.
Bref.
Trêve de contemplation, je dois me laver les dents pour disparaître cette foutue haleine matinale. Ensuite, je me rince le visage. Question d’habitude. Enfin, peu importe. Je tente de retirer légèrement mon bandage en remarquant que la plaie est fraîchement ouverte, et qu’elle n’est que superficielle. Ouf. Ça ne risque pas de me déranger pour mes entraînements de boxe ! Je tapote brièvement afin de recoller le bandage pour éviter que des bactéries ne soient en contact avec la blessure. Eh oui ! Comme je vous le disais ; je suis un génie.
C’est à ce moment-là que j’entends la porte d’entrée se claquer contre le vantail, et la voix de Pearl étant quasi inaudible puisqu’elle est assez loin de moi. Déterminé à acquérir des réponses, je descends les escaliers pour me diriger vers la brunette.
— Toi, ronchonne-t-elle en s’avançant vers moi.
Pearl me donne une gifle. Bordel, c’est la deuxième fois de la journée ! Contrairement à la frappe de l’officier Hopkins, celle-ci est largement plus brutale et plus violente. Sérieusement, elle a la force d’un mec ! Ma mâchoire me fait mal, putain. Je vais la tuer. JE VAIS TUER CETTE FILLE, AAAH ! Je passe ma main sur ma joue, qui plus est, probablement rouge pivoine. Mais, qu’est-ce qu’elles ont toutes à me baffer dans cette famille ? Je ne suis quand même pas une tête à claques. Ça commence sérieusement à m’énerver. Certes, je n’ai rien fait à sa mère, mais là… Je compte bien prendre ma revanche.
— Qu’est-ce qui t’a pris de t’en prendre à ce Calvin ?! crie-t-elle en rogne.
— T’es sérieuse, là ? Je t’ai sauvé la vie, meuf.
— Je peux parfaitement me démerder toute seule ! N’essayes plus jamais de te mettre en danger, c’est clair ? Même si c’est pour me sauver ! NE LE REFAIS PLUS JAMAIS, dit-elle en insistant sur ses paroles.
— Ouais, ouais. De toute façon, je ne compte pas te sauver une nouvelle fois, craché-je en essayant d’atténuer la douleur de son attaque.
Et c’est reparti… une autre gifle. Malheureusement, je ne l’ai pas esquivé. Putain de bordel de merde ! Ça fait un mal de chien, croyez-moi. Je souffre en silence en essayant de ne pas devenir hystérique. Il ne faut pas que je dévoile à quel point cette affliction me tourmente.
— Pourquoi t’a fait ça ?
— Parce que. J’en ai envie, tu me fais chier, lance-t-elle en me fusillant du regard.
C’en ai trop. Elle a dépassé la limite de ma mise en garde ! Sa simple erreur mènera à des conséquences non-négligeables. Elle a osé me provoquer, encore une fois, malgré ma menace. Donc, étant donné que je n’ai qu’un parole : le jeu commence. Avec le mode connard activé, je m’approche de son oreille pour lui susurrer les mots suivants :
— Je t’avais prévenu, Pearl.